RROMS : LA CHASSE CONTINUE.
La chasse aux Rroms continue, en effet. Mais la plus ignoble des répressions n’est peut-être pas la plus visible, comme celle des expulsions, commodes à traiter pour les médias, à cause de l’action, du déploiement de forces, de l’agitation sur le terrain qui autorise de faire de belles images. La plus atroce est peut-être au fond ce qui suit et dont on ne veut rien savoir.
A Dijon par exemple, seule ville en France ou des Roms se sont retrouvés en prison pour avoir touché en toute légalité des aides de la CAF et de la CPAM, ou pour avoir accueilli des Roms quelques jours chez eux. Après des mois de prisons –vous lisez bien : des mois-, les non-lieux ont fini par arriver, sans même qu’un procès soit requis… Aucun des différents chefs d’inculpation ne tenait. Aucun média n’a relayé l’affaire.
A Montpellier, en août 2010, un camp de Rroms fut démantelé. La préfecture ne se soucia en rien du relogement des personnes déplacées, à l’exception des 3 jours réglementaires. Les enfants, en particulier, ne firent l’objet d’aucune mesure. Parmi eux, nombre de bébés, dont l’un présentait une pathologie nécessitant une surveillance médicale continue.
La page médiatique est tournée. On ne parle plus des Rroms. Ils n’occupent plus notre espace médiatique, donc ils n’existent plus. Pourtant la répression continue. La chasse reste ouverte. Grâce au silence des médias, on peut arrêter désormais en toute quiétude, arracher les enfants à leurs parents, séparer les pères de leurs familles, expulser, humilier. La machine est bien rôdée : il suffisait dans un premier temps de faire grand bruit autour d’eux, de laisser souffler l’inévitable vent de la consternation, de laisser s’agiter quelques journalistes en mal de copie, de faire le gros dos et d’attendre que le soufflet retombe. Les médias dictent leurs lois aux calendriers de la contestation, dirait-on. Il suffisait donc d’attendre qu’ils tournent la page, et l’on pourrait reprendre ses basses besognes sans plus d’entraves. L’Italie continue de les ficher, la France fait semblant de ne plus le faire. Et on ne sait toujours pas comment les nommer. Question de sémantique ? Pratique : derrière la confusion sémantique on peut laisser se profiler une réalité sociale fantasmatique. Là commence le racisme, sur le seuil de cette confusion sémantique. Rroms, gitans, roumains, gens du voyage… On ne sait pas trop. Alors que 4% des Rroms seulement sont nomades en Europe… C’est où chez eux ? Ah bon, ils sont français ? Ils sont européens ? Ils ne ressemblent pas… Un peuple tout entier subsumé sous la rumeur.
La revue Le Tigre a consacré en décembre 2008 un volumineux numéro consacré à la question Rrom. Très documenté, très instructif sur ce qu’il révèle de l’attitude des pouvoirs publics et de l’enracinement du racisme anti-rroms au cœur même de l’Administration française. De la construction du mythe positif dans l’équation gitan = liberté = musique = rebelle, de Cervantès à Hugo, en passant par Mérimée, la revue dévoile le prix qu’il en coûta aux Rroms même, d’avoit été enfermés dans cette image commode, taillée pour satisfaire nos besoins, et non pour comprendre leur vraie identité. Au-delà de ces manipulations identitaires, la revue nous éclaire encore sur les contorsions juridiques qui permirent aux politiques d’édicter des circulaires contournant allègrement les principes mêmes de la légalité républicaine. Ain si de l’appellation "gens du voyage", qui fut une appellation contrôlée made in France, mise en circulation par deux décrets de 1972, pour tracer le périmètre de tous ceux qu’il fallait écarter des villes… La législation française, y découvre-t-on, depuis 1972, n’a ainsi jamais cessé d’ancrer les Rroms dans un statut de paria. A lire et relire, pour mieux comprendre, peut-être, ce qu’il y a de crapuleux dans la dérive républicaine que nous connaissons, et quelles en sont les origines.--joël jégouzo--.
Le Tigre, nov.-déc. 2008, Dossier Rroms, 8 euros, ean : 978-2-357-19-004-7
http://rebellyon.info/Revelations-sur-la-repression-des.html