RIMBAUD : L’AUTRE DE L’IMAGE…
16 Avril 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #DE L'IMAGE
De Rimbaud, nous connaissions une peinture et quelques clichés d’adolescence, dont celui au regard mangé de blanc, translucide. Une nouvelle photographie de Rimbaud adulte est désormais offerte au public. Toute la presse l'a relayée. Une image inventée semble-t-il, pour ne pas dire un faux, à partir d'images qui traînaient parmi d’autres pour donner à découvrir la fin du XIXe comme un exotisme bourgeois. Sur cette image, Rimbaud s’afficherait sur le perron de l'Hôtel de l'Univers, qu’il fréquentait assidûment. L’image a été authentifiée par Jean-Jacques Lefrère, spécialiste de Rimbaud, auteur d’une puissante sinon définitive biographie du poète, parue il y a quelques années déjà. Jusque là, huit clichés nous donnaient plus ou moins à voir Rimbaud dans son parcours africain. Dont, avant ce focus, la huitième photographie du poète, qui avait pareillement ornée en son temps une presse pas tout à fait people encore, mais qui déjà ne savait au juste quoi en faire… Sinon vérifier qu’elle était l’un de ces objets auquel l’on ne se heurte que difficilement.
Dans le sillage de la huitième, un livre était paru. On s’attendait avec cette édition à la remise en forme d’un lieu de mémoire qui fut enfin le bon. Jean-Hugues Berrou venait de découvrir que feu le centre culturel Rimbaud, devenu le «Rambow Hotel», n’était pas la maison qu’IL avait habité à Aden. On s’attendait au jeu des sept erreurs, l’avant – l’après… Rimbaud / Aden, justement : comme s’il était possible de mesurer l’espace à son génie, ou l’inverse. Au lieu de quoi le lecteur fut jeté dans un vrai travail de deuil : que rencontre au juste l’image contemporaine de Rimbaud ? Le jeu des souvenirs se redistribuait ainsi selon des règles inédites. Jean-Hugues Berrou avait certes procédé, non sans malice, au jeu des 7 sept erreurs. Mais d’infimes déplacements dans le cadrage avaient rendu l’exercice dérisoire. Cependant, entre les images que le temps avait séparées, se dessinait un entrelacs de signes qui composaient une sorte de grammaire des formes de l’imaginaire rimbaldien.
Si l’on tient le Bateau ivre pour le poème de cette aventure du sujet séparé de lui-même, en route vers l’inconnu. Si l’on tient pour vrai que Rimbaud haïssait l’ici du monde, c’est cela, que l’ouvrage consacré à la huitième image de Rimbaud nous restituait. En dénudant les images de l’ici d’Aden, il vidait celles du passé de leur sens, parce que son propos était Rimbaud. Mais ce faisant, cet aujourd’hui d’Aden plaçait le poète hors d’atteinte. Or, l’inanité des moyens d’échapper à la réalité était l’inscription même de l’aventure rimbaldienne dans ce monde, dont seule la poésie, au fond, sait nous délivrer.—joël jégouzo--.
Rimbaud à Aden de Jean-Hugues Berrou, Jean-Jacques Lefrère et Pierre Leroy, collection Pierre Leroy, éditions Fayard, avril 2001, 168p., ISBN : 2213608539.
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