Redevenons ces guetteurs de rêves auxquels songeait Walter Benjamin…
26 Mai 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique
C’est une utopie, dit-on ici et là, de croire que nous pourrions changer les choses, quand les moyens dont nous disposons paraissent pareillement dérisoires à ceux mis en œuvre par les puissants de ce monde. Une utopie ? Justement : quelle question pose l’utopie, sinon celle de l’altérité sociale, bouclée dans les discours de la domination sous les formes les plus insidieuses quand elles ne sont pas barbares, à vouloir nous assigner la place si peu reluisante de l’électeur couché, tout juste bon à délivrer quitus à une classe politique qui n’a cessé de nous mépriser au plus profond de nos espoirs en elle.
Peut-être faut-il reprendre souffle d’un plus profond questionnement, insensé, assurément, à vouloir se reprendre du fondement où l’Être se penserait. Qu’est-ce que l’utopie au demeurant, sinon penser l’être comme inachevé et processuel, trouvant dans cet inachèvement sa raison d’être ?
Lévinas pensait que l’utopie constituait par excellence le socle de cette énigmatique région de l’univers qu’est l’être humain. Qu’elle incarnait l’espace de la rencontre en l’homme d’une altérité qu’il ne convenait pas de comprendre dans le champ de l’ontologie, mais celui de l’éthique. Il y voyait très essentiellement la chance pour l’être d’y tenter de s’aventurer non pas en quelque mauvais infini ou de s’enfermer dans une pénible errance, mais d’accéder enfin à la pleine lumière de lui-même. Il imaginait que dans ce pas vers le mystérieux territoire de l’utopie, l’homme saurait y nommer ses raisons d’être. Walter Benjamin l’avait bien compris, qui voyait dans la haine de l’utopie l’expression la plus sensible des défenseurs de l’ordre en proie à la peur de l’altérité. Les sociétés les moins utopiques ne sont-elles pas les sociétés totalitaires ? Voire les sociétés autoritaires ou même les sociétés libérales, prises dans l’illusion de l’accomplissement, du "retour chez soi". Pour Benjamin, le social devait impérativement demeurer travaillé par ce rêve, qui n’était rien moins, à ses yeux, que de repérer les points aveugles de l’émancipation moderne. --joël jégouzo--.
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