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La Dimension du sens que nous sommes

QUE TRAHIT LA VULGARITE DE NICOLAS SARKOZY ?

14 Octobre 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

berlusconietlesfemmes5.jpg"Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde." Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme.

 

Nul besoin de grandes démonstrations, tout le monde sait de quoi il retourne ici. Du reste, chacun d’entre nous a en tête assez d’exemples affligeants pour ne pas attendre de nouvelles preuves de cette vulgarité agressive.

 

Guère d’exemple, en revanche, au sein de notre histoire nationale. Il faut remonter à la (f)Rance de Vichy pour retrouver trace d’une telle vulgarité –Alain Badiou n’avait pas tort de laisser errer le spectre de Pétain dans l’ombre de ce Pouvoir. Et en Europe, il n’y a guère que Berlusconi qui se flatte d’une aussi franche vulgarité. Plus en amont dans le temps, il y eut l’immense trivialité à front de taureau des Maîtres du IIIème Reich.

 

deux larronsLe fin mot de cette séquence de pouvoir sera sans doute celui de la médiocrité de son héros, fort de succès obtenus sur des moribonds (cette Gauche qui avait tant trahi), et de victoires arrachées d’un sûr instinct politique, celui du vautour plutôt que de l’aigle.

 

 Un narcissique pervers, analysait le psychiatre Serge Hefez, dans sa "Petite leçon de psychologie : le pervers narcissique et ses complices". Un chef qui n’aura cessé de mettre en avant son ego, accréditant par le discrédit. Un style, une marque de fabrique.

 

 Inutile de poursuivre sur ce terrain. La seule question digne d’intérêt aujourd’hui, est celle des raisons d’une telle inconvenance. La réponse est contenue en filigrane dans l’ouvrage de Frédéric Lordon (Capitalisme, désir et servitude) : nous vivons dans une société de la crainte généralisée, au sein de laquelle une brutalité économique sans précédent a surgi. Une véritable tyrannie –chantage à l’emploi, chantage à la croissance-, s’est installée, "qui trouve ses conditions de possibilité dans le nouvel état des structures économiques " de ce capitalisme apparu depuis peu. Un capitalisme dont le caractère fondamentalement anti-social s’affirme jour après jour, un capitalisme exprimant avec force son refus de tout engagement durable : les liquidités vont là où elles rapportent le plus, plongeant le salariat dans un monde de terreur. Les mécanismes de ce capitalisme financier sont simples, pour peu qu’on veuille les connaître : la finance n’a que faire de notre force de travail, désormais fongible. Une dissymétrie sans précédent affecte ainsi les rapports de production : le Capital financier a toujours le temps d’attendre, même quand la force de travail entre en rébellion. En revanche, la précarité des salariés est telle, qu’ils ne peuvent engager le bras de fer salvateur qu’au prix d’un effarant sacrifice.

 

vulgaritéLa violence qui pèse ainsi sur le monde du travail n’est plus celle de patrons aux allures fordiennes –ceux-là sont eux-mêmes soumis aux pressions des marchés financiers-, mais celle de la finance, coupées des réalités du monde. La crainte s’est non seulement généralisée, mais intensifiée avec la montée en puissance de ce pouvoir financier.

 

Un pouvoir qui s’est mis en place lorsque l’on nous sommait de ne voir dans la mondialisation que le salut d’économies en fin de course. Mais la globalisation n’aura jamais été d’abord que l’acte de décès de la notion de Peuple (qui était une notion politique), remplacée par celle de Populations (qui est une catégorie biologique, comme l’affirmait si pertinemment Foucault).

La manipulation suprême aura été de transformer à l’occasion et définitivement, le citoyen en consommateur.

 

Car sous le discours de la libre concurrence nécessaire exigeant toujours plus de délocalisations, libre concurrence au service de nos rêves de consommation les plus fous, c’est autre chose qui arrivait : on fermait des entreprises non parce qu’elles n’étaient pas rentables, mais parce qu’elles l’étaient et rapportaient assez de dividendes à leurs actionnaires pour l’investir sous forme de liquidités ailleurs, loin là-bas hors du monde, pour ramasser une mise plus énorme que celle à laquelle ils venaient de rêver…

 

lordonLa vulgarité présidentielle ne traduit ainsi rien d’autre que ce nouveau rapport de force, au sein duquel vient d’émerger un Capitalisme Financier triomphant. Elle n’est rien d’autre que l’expression d’une permissivité sans précédent qui s’est forgée dans la conscience de ces nouveaux capitalistes. L’ivresse dont elle témoigne, son pathétisme vulgaire, n’est l’expression que d’un délire de l’illimité. Tout est possible. Et son représentant légal peut même courir le risque de l’opprobre, pratiquer l’insulte et la menace à découvert : cette radicalisation du gouvernement actionnarial par la crainte est sans précédent dans notre histoire et lui assure l'impunité. Et croyez bien que la finance poussera son avantage partout, tant qu’elle ne rencontrera pas une force de résistance égale à la sienne.

 

C’est peut-être là que le bât va blesser : du politique, puisqu’il s’agit encore de cela, d’un rapport de force politique en fin de compte, même si cette Vème République agonisante est à même de confisquer le pouvoir politique entre de bien indélicates mains. Car malgré la complexité des formes de la domination, empilant les niveaux les uns sur les autres en chaînes de dépendances, une architecture que décrit parfaitement Lordon dans son essai, toute cette belle architecture reste sensible à l’ultime déconvenue d’une déroute électorale qui signerait le désaveu dans le camp même du Président -il faut disposer du Pouvoir politique pour manœuvrer sans complexe. A quelques encablures des Présidentielles, un grand séisme social et politique est possible.--joël jégouzo--.

 

 

Capitalisme, désir et servitude, de Frédéric Lordon, La Fabrique éditions, septembre 2010, 213 pages, 12 euros, EAN : 978-2-358720137.

Serge Hefez, "Petite leçon de psychologie : le pervers narcissique et ses complices " :

http://familles.blogs.liberation.fr/hefez/2007/05/petite_leon_de_.html#more

Triomphe de la vulgarité : ou le Tout-un-chacun, Marc-Vincent Howlett, éditions de l’Olivier, coll. : ED.L’Olivier, mars 2008, 219 pages, 16,50 euros, EAN : 978-2-879296234.

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