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15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 05:20

freud-ferry.jpgC’est sous l’angle de la conception que Freud se fait de la condition humaine et non sous celui de l’étiologie des maladies mentale, que Luc ferry entreprend de comprendre et d’expliquer l’œuvre de Freud. Approche de philosophe donc, contournant les difficultés d’un affrontement à la validité scientifique de l’œuvre, tout comme renonçant à chercher dans l’auteur les raisons de sa démarche. Raisons judicieusement écartées, à l’inverse de Michel Onfray, publié par le même éditeur (Frémeaux), qui s’était ingénié à passer par la biographie pour expliquer l’œuvre, construisant une lecture généalogique souvent douteuse. Car après tout, que Freud ait couché avec sa belle-sœur ne nous dit rien du fond de sa pensée…

Au demeurant, la méthode généalogiste, comme le rappelle intelligemment Luc ferry, n’a jamais réussi à démontrer quoi que ce soit : prétendant bâtir sa légitimité de ce que tout discours ne soit qu’un masque, elle n’est à tout prendre qu’un masque supplémentaire ajouté à ceux qu’elle validait.

Luc Ferry donc, au rebours de Michel Onfray, ne mâche pas ses compliments à l’égard de Freud. Il voit même dans son Introduction à la Psychanalyse un chef-d’œuvre de profondeur philosophique et de pédagogie scientifique.

Dans ce chef-d’œuvre, c’est moins la théorie de l’inconscient dynamique qui le retient, partagée en effet par nombre de contemporains de Freud et devancée par non moins autant de penseurs avant lui, que sa construction des trois instances de la personnalité humaine, à son sens vraie description de notre condition, tragique par excellence dans les convictions de Freud. Au passage, Ferry égratigne encore Onfray en récusant ses réductions de la libido freudienne à la génitalité, le coup de génie de Freud ayant été de décrire la libido dans son développement temporel, ici étonnamment expliqué à travers la métaphore de la migration des peuples : tout au long de son périple, un peuple en migration ne laisse pas que de s’égarer même s’il se reprend continuellement, et en chemin, d’abandonner sur le bord de sa route comme des points de fixation (le stade oral, le stade anal, etc. …) auxquels une partie de la libido va se corréler et vers lesquels le sujet, à l’occasion de l’une ou l’autre des difficultés qu’il pourra rencontrer dans sa vie, s’il ne peut la surmonter, reviendra se fixer, comme dans une régression vers un lieu connu, jouissif, où vivre l’illusion d’un plaisir protecteur.

freud.jpgPhilosophe, Luc Ferry relève aussi le défi de penser le sens du vrai en psychanalyse, argumentant ici son approche en l’appuyant sur les deux fondements métaphysiques de la notion de vérité, pour conclure que la psychanalyse si, à l’évidence, ne peut être considérée comme une science exacte, n’en est pas pour autant une métaphysique. Elle ne l’est pas au sens où, par exemple, la vérité se conçoit dans la métaphysique comme adéquation entre la chose et le jugement, bien que l’on puisse déduire de l’autre sens dévolu par la métaphysique à la notion de vérité comme a-léthéia, dans laquelle la dimension du temps entre avec force, un horizon où articuler la question du vrai en psychanalyse : la temporalité de l’analyse induit en effet l’idée d’une part qu’il ne peut y avoir de dévoilement sans la venue en présence du temps et que d’autre part, et parce qu’il ne peut y avoir de savoir absolu, l’analyste n’est pas placé dans la situation de révéler une vérité quelconque sur l’être, mais de placer une interprétation révélante. L’être n’étant pas un prédicat du concept, et parce que nous ne serons jamais dans la parfaite adéquation avec nous-même, aucun discours ne pouvant se clore dans un discours achevé, le tirer au clair de la cure ne peut fonctionner que comme une entrée en analyse, au creux de laquelle la guérison ne peut être perçue que comme un idéal régulateur.

Balayant enfin la fortune de la psychanalyse après Freud, balayage largement consacré au décryptage des discours de Lacan, Luc Ferry revient heureusement aux différences qui fondent les écarts entre le discours de la psychanalyse et celui de la philosophie. La philosophie grecque tentait de prendre soin de l’âme, non des âmes en particulier. Un soin articulé à celui de la pensée, du jugement. Un soin tentant de fonder une réflexion sur le sens et les dimensions de la Vie Bonne, mais à la différence de la psychanalyse, un soin qui n’était pas consacré aux âmes, en ce sens que la psychanalyse, elle, lutte contre des angoisses pathologiques qui naissent de conflits psychiques. Et si les philosophes semblent eux aussi s’occuper de certaines de nos angoisses, c’est exclusivement dans leur dimension métaphysique, comme dans la question de la finitude de l’existence humaine. Une angoisse, certes, mais qui n’est en rien pathologique, même si elle peut s’actualiser dans une angoisse psychologique. --joël jégouzo--.

 

  

SIGMUND FREUD, UN COURS PARTICULIER DE LUC FERRY, LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE EXPLIQUÉE, LUC FERRY, Direction artistique : CLAUDE COLOMBINI FREMEAUX, Label : FREMEAUX & ASSOCIES, 3 CD

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