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La Dimension du sens que nous sommes

Qu’est-ce que l’identité ? (J.-C. Kaufmann)

16 Mai 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

 
HNG-copie-1.jpgPartout en Europe montent les crispations, dont le signe le plus manifeste serait la persécution faite aux rroms. Des «nous» émergent, brutaux, racistes, nationalistes. Des «nous» sectaires qu’une classe politico-médiatique irresponsable pousse à l’affrontement irréfléchi, pour créer peu à peu des situations nationales explosives, dont elle pense pouvoir, in fine, tirer partie : se maintenir au pouvoir. Au cœur de tous les débats promus part cette classe politico-médiatique, la question de l’identité. Un concept dont le flou épistémologique ouvre à de grands calculs politiciens, et de petits desseins politiques…
L’identité, rappelle J.-C. Kaufmann, ne renvoie en fait guère à nos racines, contrairement à ce que cette classe stipendiée tente d’affirmer. Les appartenances ne font en réalité que combler provisoirement les interrogations de la subjectivité, car l’identité est plutôt placée du côté de la subjectivité que de celui des racines. En un sens, elle est en conséquence toujours devant nous plutôt que derrière, une construction a posteriori, un dessein qu’il nous faut échafauder plutôt qu’endosser.  Sauf à la confondre avec l’identification administrative, ces papiers d’identité qui ne forment en rien la production du sens de la vie. L’identité administrative, elle, fiche, surveille, enferme, arrête, de sorte que l’Etat est toujours le plus mal placé pour parler d’identité.  En ce qui concerne l’identité des personnes, l’erreur serait alors de vouloir l’enfermer dans un cadre préétabli, de vouloir la rigidifier, voire de l’établir. Car ce travail de quête identitaire ne se fonde que par reformulations successives des éléments hérités : nous choisissons ces éléments de notre passé qui vont faire sens à un moment donné de notre vie. Dès lors, l’identité, contrairement aux idées reçues, ne peut être que provisoire. Mieux vaudrait alors parler de processus identitaire, voire de stratégie, tant cette quête est à renouveler, toujours, et se caractérise par son ouverture et ses variations incessantes, ancrées dans notre présent comme un scénario qu’il nous faut élever. L’identité n’est ainsi ni une essence, ni une substance, elle est quelque chose de fluide, de multiple qui ne s’inscrit que dans le temps d’une action : la question du sens de la vie se renouvelle sans cesse. Et seul, analyse Jean-Claude Kauffmann, le nombre de «soi possibles» permet d’échapper à l’enfermement d’une identification autoritaire. Lorsque le jeu des identités est riche, complexe, les totalisations auquel il peut ouvrir malgré tout, ces rigidités quasi cadavériques de l’affirmation de soi lorsque toute cette quête se fige, ne peuvent être que brèves, pour se succéder sans crispation. Lorsque le jeu est limité au contraire, quand l’identité de soi se voit rabattue sur une identité nationale crispée à quelques tenants dérisoires, «la totalisation se répète et se durcit». La grille d’interprétation du monde devient alors unique et sectaire, «enfermant l’ensemble de la personnalité» pour la conduire peu à peu à cette désintrégration psychologique qui la verra disparaître derrière son masque de haine, fourni clef en main par les discours politiques exhibant commodément les boucs émissaires qui structureront cette désintégration.
 
Identités : La bombe à retardement, jean-Claude Kaufmann, éditions Textuel, 12 mars 2014, Collection : Petite encyclopédie critique, 64 pages, 8 euros, ISBN-13 : 978-2845974852.
 
 
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