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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 07:42

cant-evict-an-idea.jpgComment concevoir un monde juste ? Surtout à l’heure où les idéologies de la justice semblent avoir fait faillite…

Sans même évoquer ici les doctrines socialistes, marxistes, communistes, voire anarchistes, il existe dans la tradition libérale, dont John Rawls fut le père fondateur, idéologie massivement dominante aujourd’hui jusque dans les rangs des socialistes, une idée selon laquelle la justice entre les citoyens d’une même nation doit être pensée sous la forme du "Maximin soutenable des possibilités".

Qu’entendre par là ? Prenez la liberté de mouvement des capitaux. Le capital est libre de circuler partout ou presque dans le monde. On encourage même cette migration, dont on nous dit qu’elle est profitable au Sud, qui pourra ainsi s’enrichir et nous enrichir en retour. En d’autres termes, on nous dit que pour réaliser la justice mondiale à long terme et l’enrichissement de tous, il faut accepter cette libre circulation du capital. Au nom de l’efficience économique globale, on nous demande d’accepter les sacrifices ponctuels provoqués par ce déplacement du capital et de l’emploi vers les pays du Sud… Au nom de la justice sociale mondiale, on demande aux travailleurs "riches" de consentir au sacrifice momentané (quelques décennies) de leur emploi. Cette rigueur apparaît comme la politique la plus juste pour l’humanité, la seule qui lui permette de trouver un souffle nouveau.

En réalité, les choses sont plus compliquées : il faut tenir compte de la conjoncture à court et moyen terme. Car au nom d’un principe prétendument "juste" sur le long terme (et du seul point de vue libéral), celui de l’élévation du niveau de vie de tous (acceptons-en le mensonge provisoirement), sur le moyen terme, on risque fort d’ouvrir entre les nations un état de concurrence tel qu’il précipite dans la misère des centaines de millions d’individus. Les mouvements des capitaux financiers, par exemple, se traduisent d’abord par l’appauvrissement des travailleurs du Nord, non par l’enrichissement des travailleurs du Sud.

Il faudrait pouvoir corriger cela à la marge, affirment les néo-libéraux. Ajuster. Simplement ajuster… Encadrer les mouvements financiers par une législation qui les empêcherait -alors que leur logique intrinsèque est la quête de profits immédiats-, de porter atteinte à l’environnement économique et social des nations. Car ce que l’on vérifie d’abord, c’est que la seule vertu de la recherche du profit n’entraîne qu’une augmentation des inégalités.

Le Maximin que j’évoquais plus haut ne devrait donc pas être calculé comme Maximin soutenable des états —ce qui est le cas aujourd’hui—, mais Maximin soutenable des personnes. Car la mobilité du capital érode la capacité de chaque nation à assurer une répartition équitable à tous ses citoyens. Dans la guerre financière qui est livrée par les banques aux Etats, dont les conséquences sont par exemple la prétendue "nécessité" de baisser le niveau des prestations sociales au nom du principe selon lequel ce qui est prélevé sur le territoire national n’a vocation qu’à servir de force de frappe économique "nationale", on le voit, ce qui est privilégié n’est ni plus ni moins que le consentement à l’extermination des pauvres. L’expression paraîtra excessive, sinon scandaleuse, mais si l’on y réfléchit bien, il ne s’agit de rien d’autre : la privation d’activité économique, qui s’accompagne statistiquement par la mise en danger physiologique des populations concernées, n’est que l’expression d’une politique consciente d’exclusion radicale des populations les plus fragiles, une exclusion qui se traduit par une mort réelle, souvent prématurée, et non le simple effacement de ces populations de la statistique nationale, qui sait mieux qu’aucun autre outil politique les rendre invisibles… --joël jégouzo--.

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