PLATON, PERIPATETICIEN DEGRISE (SLOTERDIJK)
13 Décembre 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais
Dans son dernier ouvrage, Sloterdijk ne cache pas les affinités quasi existentielles qu’il entretient avec la pensée de Platon. Un Platon très singulièrement recouvré en réalité, celui dont on il croit devoir ré-avancer que les procédures de pensée sont au fond très proches de celle de la psychanalyse et qu’elles pourraient nous être très utiles aujourd’hui, ne serait-ce que dans la convocation des scènes primitives qui en traversent le théâtre. Tout le monde a en effet à l’esprit le mythe de la caverne de Platon, avec au delà du dispositif, la douloureuse révélation pour l’être humain de devoir toujours compter en toute chose avec un supplément d’obscurité. Car si Platon avait assigné pour tâche à la philosophie d’éclairer la pénombre dans laquelle nous vivons, du moins avait-il aussi consigné la tragédie de ne pouvoir faire mieux qu’éclairer faiblement cette scène sans parvenir jamais à l’éclairer tout à fait. Il nous resterait en somme l’ivresse sobre du philosophe platonicien, cette lucidité critique qui ne cesse de nous conduire de déconvenue en désenchantement, instillant de la lumière, certes, mais comme venue d’un ailleurs inaccessible et fournissant ainsi les arguments au dégoût de la philosophie elle-même, tout comme de l’homme à lui-même –ce même dégoût central dans toutes les doctrines fascistes…
Rien d’étonnant alors à ce que Sloterdijk parle de l’école platonicienne comme celle d’une pédagogie de la distinction. Rien d’étonnant à ce qu’il décrive le projet originel de la philosophie non comme celui d’éduquer mais celui de fabriquer de la distinction entre les êtres. Et qu’il nous décrive la philosophie non comme une source de savoir, mais de conversion. Une conversion au dégrisement : après Platon, que vaudrait la pensée philosophique ? Des bibliothèques de plus en plus nombreuses, certes, mais pas d’illumination. Il faudrait alors, nécessairement, en revenir à Platon qui se tient sur le seuil, entre l’oral et l’écrit, entre la poétique et la poésie, pour évaluer ces certitudes supplémentaires que la philosophie nous aurait apportées, sans aucun savoir nouveau pour les soutenir. Il faudrait recommencer à penser. Depuis Platon. Avec Platon. En disciples. Dégrisés enfin, pour ne pas recouvrir de nos voix bêlantes l'étalage des planètes... --joël jégouzo--.
Tempéraments philosophiques : de Platon à Michel Foucault, de Peter Sloterdijk, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Libella-Maren Sell Editions, Collection : ESS.DOCUM, nov. 2011, 155 pages, 18 euros, ean : 978-2355800283.
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