Municipales 2014 : la confiance est rompue
Et le fait est massif, têtu, clairement décryptable : l'abstention en question est une abstention politique, protestataire, d'électeurs en outre dont le Parti socialiste se croyait propriétaire. Une abstention de colère, d'amertume, de citoyens convaincus d'avoir été trompés par cette Gauche de Pouvoir qui n'en finit pas d'accumuler les trahisons. Victoire de l'abstention, donc. Et du Front National. Dans les bras duquel cette Gauche insupportable nous jette à son tour. Tandis que l'UMP se gausse stupidement de recueillir demain les sièges perdus par son rival. On tient bien, là, la manifestation de la plus évidente illusion du suffrage universel, qui est de masquer la fabrique d’une majorité n’exprimant qu'un jeu de dupes : l'UMPS. Alors le PS pourra bien tenter demain de nous ramener au deuxième tour dans le giron de ce jeu républicain malpropre. Il pourra bien tenter de nous appeler au sacrifice du vote responsable, ou souligner le caractère de proximité d'une élection dont il avait pourtant par avance scellé le sort (trente ans de régime des partis mettant à sac ce fameux caractère de proximité), il ne nous restera que le dégoût d’un geste auquel on a ôté ses vrais fondements politiques.
La confiance est rompue. Celle qu'évoquait le sociologue Georg Simmel, aux yeux duquel cette confiance collective était "l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société", l'un des fondements de l’organisation sociale. Nous ne cessons au contraire d'apprendre jour après jour la défiance. Envers les politiques, envers les médias, envers le législateur, envers la science, l'éducation, la santé, etc. Comment un tel gouvernement, sourd au désarroi des citoyens, pourrrait encore prétendre remplir sa mission ? Comment même pourrions-nous encore avoir confiance dans cette pseudo-démocratie qu'il tente de nous refiler en douce et qui n'est créatrice que de méfiance ? D'autant qu'à l'horizon ne se profile pour méthode qu'un insultant remaniement ministériel annoncé depuis six mois déjà... Comment Hollande ne peut-il pas voir que la confiance ne peut être que le fruit d'un processus historique et politique global, plutôt que celui d'un replâtrage démagogique ?
La confiance est rompue. Clairement. C'est tout le fonctionnement du système qui est remis en cause. Et non de simples personnes. Comment refuser d'en prendre acte, comment ne pas réaliser que la demande de confiance s'est muée cette fois en exigence, en intelligence d'une société civile qui a compris que les mécanismes sociaux de confiance supposaient un encadrement juridique de cette souveraineté dont l'Etat abuse ? L'Histoire nous a montré qu'il fallait nous méfier de l'Etat. Chaque échéance électorale ne dit rien d'autre que cette méfiance. Mais tant qu'au PS succèdera l'UMP, et inversement, il semble que la surdité politique demeurera la règle... La défiance est collective désormais. C'est tout un climat de protestation qui s'affirme. Qui ne tend pas encore à se muer en décision politique, encore que : le Front national s'enracine, s'affirmant de plus en plus comme la dernière solution de ce funeste paysage politique dessiné par une UMPS forcenée. La confiance est rompue. Mais en favorisant cette rupture, le PS n'a fait qu'ouvrir les vannes à un horizon pire encore, celui du Front National prodigué désormais comme une routine, comme la sémantique frauduleuse de victimes qui parleraient aux victimes... La confiance est rompue, mais il nous faut dessiner de nouvelles solutions politiques sous peine de voir ce dernier virage à droite nous prendre de cours.