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11 janvier 2013 5 11 /01 /janvier /2013 05:45

 

penserviolence.jpgL’ordre social est une économie de la menace.

Que désigne la violence dans nos sociétés ? On se rappelle les leçons de Max Weber sur la violence et son usage légitime dès lors que seul l’Etat en détient le monopole. Il faudrait peut-être partir de là pour comprendre qu’au fond, si le projet d’égalité dans les démocraties occidentales est resté formel, c’est peut-être parce que l’ordre social y était resté une économie de la menace, construisant la citoyenneté comme l’accès au pouvoir de violence –on le voit assez dans la figure du politique, qui ne se soucie d’abord jamais rient tant que des conditions de l’accès au pouvoir politique maintenu comme l’une des formes primitives de la violence sociale, qui n’aura ensuite de cesse de s’affranchir de la volonté populaire pour la dominer et penser accessoirement un mode d’accès au pouvoir politique interdisant aux femmes d’entrer en politique.

Notre ordre social est ainsi toujours fondé sur la distribution asymétrique des pouvoirs (aux élites le pouvoir, au Peuple souverain la soumission, aux hommes, etc.), qui a essentiellement besoin de construire socialement l’existence d’un sexe menaçant et d’un autre supposé inoffensif pour fonctionner.

L’état civil se charge de fabriquer ces deux groupes distincts dont cet ordre a besoin, pierre angulaire des discours sociaux qui vont ensuite conférer un sens à cette partition et distribuer les éléments de langage qui en consolideront le bienfondé a posteriori, à travers une mise en récits typiques établis sur des corrélations fallacieuses, ainsi que le démontrait avec brio l’ouvrage collectif Penser la violence des femmes, premier du genre en France à avoir tenté de saisir le sens de cette violence, réfléchie dans nos sociétés occidentales comme un événement minoritaire, quand en réalité elle est socialement organisée pour le rester.

A travers cette violence, déniée mais pas moins "fondatrice" que ne le prétend celle des hommes, l’ouvrage montrait qu’au fond les mauvaises raisons de la taire s’inscrivaient à l’intérieur d’un discours sur les genres dont la société se nourrissait. Pourquoi ? Parce que notre ordre social est fondé sur la distribution asymétrique des pouvoirs et des vulnérabilités supposées, distribution commode, effarante car destinée entre autres à interdire l’irruption de la jouissance dans la sphère du social.

godard(2)A quoi ressemblerait donc une société sans genre et sans sexe ?

L’ouvrage auquel je fais référence ne tranche pas, mais soulève mille interrogations passionnantes à ce sujet.

Ce serait une société qui aurait dévalué la violence.

Ce serait une société au sein de laquelle l’autonomie sociale n’aurait rien à voir avec l’anatomie sexuelle. Imaginez à quoi ressemblerait le social des êtres qui ne serait plus dominé par le recours à l’explication biologique, celle-là même qui, dans l’Histoire, n’a cessé d’enfermer, de maltraiter, d’exterminer les êtres…

Imaginez-en les conséquences sur le plan politique : il nous faudrait repenser les modes d’accès au pouvoir en sortant du cadre de la violence pensée comme fondatrice des rapports humains… Imaginez même à quoi ressemblerait la géographie de la discipline sociale dans une société sans genre, et à ce qu’elle pourrait enfin devenir en terme d’égalité non plus seulement formelle mais réelle, et ce à quoi cela nous obligerait : le dépassement de cette économie de la menace qui a fondé jusque là l’ordre social des sociétés humaines. L’heure est toujours aux vœux. Qu’il soit le nôtre en 2013 !

 

Penser la violence des femmes, collectif sous la direction de Coline Cardi et Geneviève Pruvost, éd. La Découverte, août 2012, 440 pages, 32 euros, isbn 13 : 978-2707172969.

Voir lien sur le site k-libre, à propos de cet ouvrage : http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=2504

image : Godard, masculin féminin.

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