LIRE, EDITER : L’ETRANGETE DE DOSTOÏEVSKI...
31 Mars 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #LITTERATURE
Je n’ai parlé que très superficiellement de l’œuvre de Dostoïevski.
Son étrangeté tenait d’abord à la forte prise en compte dans tout monologue de l’interlocuteur absent. Une véritable crispation sur le mot d’autrui, un mot dont les traces se déposent dans le discours de l’un, altérant la structure de ce discours. Parfois, c’est même le mot d’autrui, dans sa morphologie même, tout autant que dans sa sémantique, qui vient trouer de part en part la langue de Dostoïevski, provoquant des cassures dans la syntaxe, des répétitions, des longueurs, en bref, une arythmie du discours : comme si deux répliques parfaitement différenciées se chevauchaient brutalement au sein du même discours. L’affrontement, le face à face dialogique y est ainsi intériorisé, qui appartient désormais aux éléments structuraux du récit : deux jugements de valeur se télescopant dans la même voix.
Le langage est polémique, dialogique dans son essence même, et cette polémique est son inscription même dans cet être-ensemble du langage, être-ensemble que l’on ne peut à tout jamais entendre que comme séparation.
Ce n’est jamais réconfortant, un monologue de Dostoïevski. Peut-être au fond parce que l’altérité circule à l’origine même de la possibilité du langage et qu’il sait, mieux qu’aucun autre, faire circuler cette altérité à l’intérieur de sa propre langue. L’Autre, en définitive, sollicite comme rien ne peut mieux le faire, son écriture.
L’Autre, de même, sollicite-t-il autant la philosophie que la littérature, si l’on y songe vraiment.
Certes, parce que l’on ne peut abandonner l’espace de la compréhension raisonnée, le logos offre son hospitalité au questionnement philosophique. Il s’agit même d’une charge dont il ne peut s’absenter. Et c’est peut-être en ce sens que l’on peut parler de rencontre où puiser l’énergie d’un questionnement sans fin, qui peut faire que je dise un tant soit peu "l’Autre" dans la langue du Même.
Dans l’écriture littéraire, l’abri du Même est plus précaire, sauf à tomber dans le sens du plus commun où jamais rien ne s’aventure. Et plus dangereux, pour peu que l’on veuille le concevoir sérieusement. A tout le moins, plus trompeur : l’écrivant ne sait quelle mesure prendre. Soumis à la pression du Même, il ne peut trouver son compte, sinon comme règne des effrois : dire l’Autre contre sa "propre" langue, pour s’arracher néanmoins et enfin à la solitude, celle dont l’Autre a déployé les ténèbres. --joël jégouzo--.
(c’est quoi l’écriture littéraire ? -2/2)
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