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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 05:23
exil-iran.jpgL’exil, dans la conscience d’une femme, dans ce présent, comme le dit son préfacier, creusé d’absence. Comment s’écrit l’espoir ? De l’obscurité à la lumière, quel corridor traverser quand «l’humidité du sang vieilli» n’offre pour tout réconfort qu’une vie âpre et dure et dépeuplée ? Les images sont fortes, qui effectuent les poèmes d’Emma Peiambari. Fortes en particulier de l’évocation de la nature qui traverse de part en part le recueil, celle laissée sur le chemin à nulle autre pareille, comme un référent de mémoire qu’on ne peut oublier sous peine de s’oublier soi-même, celle qui s’est ouverte à sa contemplation quand il ne restait rien d’autre qu’une vague ligne d’horizon pour toute perspective. Comme un fil conducteur, meurtrie par cette humanité sans gloire qui a saccagé nos paysages, croyant anéantir l’Histoire. Poèmes de l’exil, on sent bien ce qu’il en coûte de fuir et l’inaccomplissement que ce partir signifie, quand ensuite il faut tenter de s’ouvrir à d’autres nécessités que celles de la simple survie. Un autre combat donc, encore, toujours. Là-bas déjà, contre cette langue des bourreaux qui prétendait anéantir jusqu’au sol où l’on marchait, et le ciel et ses moissons. Mais la terre semble douée d’une infinie résistance. Et sa remémoration n’est pas un geste fortuit, ni vacant. Il faut lire cette poésie où les couleurs du monde, ses rythmes, s’énoncent comme d’un lieu de ténacité. Par-delà l’exil, l’effroi des fuites incessantes, l’inconsolable perte des amis disparus, la terre est comme un trait d’union. La poésie d’Emma Peiambari est déchirante. Comment pourrait-il en être autrement ? Jusque dans sa sensibilité aux couleurs du monde où le destin des arbres paraît identique à celui des hommes. Il y a certes cette «présence orgueilleuse de la mort», l’angoisse des femmes toujours les premières victimes. Il y a aussi l’obscénité de l’hypocrisie du monde des puissants qui tournent toujours le dos, mais la couleur des rêves qui ressurgit toujours, contre ces parodies de vie que l’on veut nous imposer. Le déchirement, mais l’espoir incontrôlable. Surgi d’on ne sait où, de quelque tumulte intérieur bien sûr, d’une colère soudaine ou d’un trop long silence mûri, d’une envie de fuir sa propre absence, d’un battement d’aile saugrenu, du pas de velours du chat du voisin, de la course folle d’un cheval apeuré, d’une main généreusement tendue dans sa promesse inouïe, de chaque petit geste de la vie qui est comme une étreinte fulgurante, ou du printemps déversé à l’heure promise. L’attente finira. Pour Emma Peiambari, elle est déjà peuplée des victoires d’un jour prochain sur la langue barbare du bourreau.
 
Les rosées de l’exil, poèmes d’Emma Peiambari, L’Harmattan, 3 mars 2014, 70 pages, 10,50 euros, ISBN-13: 978-2343029856.
 
 
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