LES QUATRE JUMELLES DE COPI : NOTRE DEVENIR CHIEN…
12 Novembre 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant
Un spectacle de fin d’humanité qui débuterait sur des hurlements de chiens que l’on ne verrait pas, remplissant tout l’espace du dehors, ponctués de cris brefs de la douleur physique des êtres humains. Des êtres peut-être même plus vraiment humain, plus tout à fait, déjà en passe de ne plus l’être du moins, jetés hors de leur humanité, à peine encore étreinte dans ces quelques cris, brefs témoins de l’expulsion. Même si l’on peut, même si l’on doit entendre dans le lointain d’une mémoire recousue, ce quelque souffle d’une musique agonisante, Bach, Mozart, Purcell certainement, aux voix naguère resplendissantes. En Alaska, au creux d’une mer de glace écrit l’auteur, c’est-à-dire nulle part, de ce nulle part peuplé d’exilés, étranger, relégué comme un décor de sous-sol d’immeuble désaffecté, un ensemble dépourvu de son être-ensemble, le sol jonché de granules de fuel séché. Et sous le niveau de la rue, enferrmées, quatre jumelles en paires furieuses, arpentant les caves aux longs couloirs rampants sous leur éclairage glauque. Le monde replié comme dans quelques tortures barbares. Le monde dont il ne reste rien : ici commencerait le territoire des chiens, un peu à la manière dont la géographie romaine de l’Antiquité signifiait l’absence de sa culture pour désigner les terres inconnues : hic sunt leones… Là où très exactement aurait dû se dresser l’humanité triomphante. C’est l’anniversaire de la sœur de Maria. Leïla déteste. Une piqûre d’héroïne la console. Surgit un autre couple de jumelles, Joséphine et Fougère. Une danse de mort commence : ces quatre-là ne cesseront plus de s’entretuer. Paumées, droguées, elles se foutent sur la gueule, se poignardent, se tirent dessus ("Putain, elle est morte"), étonnées qu’une balle fasse tant de dégâts ou qu’un couteau puisse faire des trous aussi gros. Dans la plus grande désinvolture elles s’assassinent, se massacrent : mourir n’est rien ! Mais du coup vivre non plus. Leur violence s’épanouit sans frein. Vertige : "le parc humain" livré à sa débauche fondatrice. Les dialogues s’enchaînent sur un rythme effréné, pris dans un dernier halètement commun. La pièce est époustouflante, littéralement. –joël jégouzo--.
Les Quatre jumelles / Loretta Song, de Copi, Christian Bourgois éditeur, juin 1999, coll. Théâtre, 186 pages, 15 euros, ISBN-13: 978-2267015065.
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