Les milliardaires –Comment les ultra-riches nuisent à l’économie
Loin d’un simple libelle, l’ouvrage cosigné par Linda Mc Quaig et Neril Brooks est un véritable essai sur les transformations que le système capitaliste a connu depuis les années 80 sous l’impulsion des hommes les plus riches de la planète. Les conclusions sont claires : les ultra-riches ne génèrent aucune richesse dans le monde (que la misère de masse a gagné) : ils l’accaparent. Toutes les observations économiques à l’appui de cette thèse l’étaie solidement : la théorie du ruissellement selon laquelle plus les riches s’enrichissent et plus les classes moyennes s’élèvent est un leurre, l’économie mondiale n’en profite pas, c’est même l’inverse qui se produit : depuis le début de la crise de 2008, les ultra-riches n’ont cessé d’accumuler des fortunes colossales tandis que le monde en pâtissait, jetant l’une après l’autre des Nations entières dans la pauvreté. Mais les ultra-riches ne se contentent pas d’accaparer les richesses qu’ils ne produisent pas : ils organisent méthodiquement cette mainmise, oligarchiquement, bâtissant leurs filiations à l’abri de l’impressionnant appareil de propagande qu’ils développent jour après jour, digne des plus viles heures de la propagande soviétique –le JT du 20h en tête, convoquant à la rescousse des spécialistes, la plupart du temps conseillers ou anciens conseillers des patron du CAC 40 pour servir leur Domination.
L’essai ne tarit pas de chiffres, de précisions, d’organigrammes enlevant la conviction, d’exemples nourrissant à longueur de page la colère qui devrait être la nôtre. Les Paradis fiscaux dont on nous promet chaque jour la disparition ? Des législations de complaisance. Et nos auteurs d’en débrouiller les fils. Les banques enfin ramenées à la raison après 2008 ? Voici Meryll Lynch, sauvée par l’Etat Fédéral, s’empressant d’accorder à ses traders et autres membres de son Conseil d’administration 4 milliards de dollars de prime, alors que l‘entreprise accuse 27 milliards de dollars de pertes. Législation privée, rétorque l’Etat néo-libéral, historiquement complice, en France comme aux Etats-Unis, de ce pillage éhonté des deniers publics. Eux qui ne cessent d’en référer au Marché, qu’il faudrait laisser libre, ne cessent dans le même temps de peaufiner les Lois qui valident la folle course au trésor des ultra-riches… Les salaires ? Ils les fixent comme bon leur semble, avec la complicité de Conseils d’administration fantoches qui ne sont que l’expression d’une volonté cupide exprimée dans un cercle minuscule de relations privées, cooptées sur le modèle soviétique. En 2009, soit 1 an après la crise, les banquiers de Wall Street versaient 140 milliards de dividendes à leurs cadres… On assiste ainsi au retour des ploutocrates. Bâtissant des fortunes sans commune mesure avec celle des riches d’autrefois, XXème siècle, XIXème, XVIIIème confondus… Prenez Bill Gates, longuement dévoilé dans l’ouvrage : s’il devait compter lui-même sa fortune au rythme de 1 dollar toutes les secondes, sans s’arrêter, jour et nuit, il devrait mettre 1680 ans pour arriver au dernier dollar, cela au regard de sa fortune en 2009, vraisemblablement plus de 2000 ans aujourd’hui… Portraits saisissants que ceux qui nous sont proposés, révélant l’incroyable fracture qui a divisé le monde en deux depuis les années 1980. Saisissant aussi : l’action des Etats libéraux dans le monde, jamais en retrait dès lors qu’il s’agissait de défendre les intérêts des riches, des Etats interventionnistes, leurs meilleurs alliés, passant sous silence la véritable essence du Marché, qui loin d’être libre n’est que le fruit d’un ensemble complexe de Lois qui régissent le commerce. Etats interventionnistes qui, dans les années 1980, ont ainsi cédé à la pression des ultra-riches pour apporter les changements que ceux-ci désiraient à la réglementation des marchés financiers autorisant les firmes de Wall Street à devenir colossales. Une collusion révélée dans ses plus abjects détails. Tenez : au moment où Lehman Brothers faisait faillite en septembre 2008, l’entreprise avait accumulé une dette de 600 milliards de dollars, découvert autorisé par le gouvernement fédéral… Le seul souci à l’époque était alors celui de la responsabilité juridique de la faillite. Une loi fut votée, qui faisait en sorte que les cadres supérieurs des banques d’investissement ne pouvaient plus être tenus pour responsables des faillites de leur entreprise… Remarquable stratégie des ultra-riches que l’essai décrypte minutieusement : le siège systématique des médias, cet ex contre-pouvoir, des milieux politiques, nos ex-représentants, pour obtenir La dérégulation qui allait leur donner les coudées franches. Un véritable complot néo-libéral, dont nous subissons aujourd’hui encore la vendetta.
Les milliardaires : Comment les ultra-riches nuisent à l'économie, de Linda McQuaig et Neil Brooks, traduction de Nicolas Calvé, préface de Alain Deneault, Lux éditions, septembre 2013, coll. Futur proche, 300 pages, 20 euros, ISBN-13: 978-2895961673.
Image : Migrant Mother, par Dorothea Lange, 1936.
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