Les Lois fondamentales de la stupidité humaine
11 Septembre 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais
L’Humanité est dans le pétrin. C’est peu de l’écrire. Rassurez-vous : elle l’a toujours été… C’est même une constante chez elle. Un caprice de la nature, dirait-on, son mystère même affirme Carlo Cipolla, qui n’a cessé d’en scruter les manifestations pour parvenir à cette heureuse conclusion qu’il s’agissait d’une constante anthropologique. Heureuse, parce que le fait social n’a rien à voir avec cela. Du haut en bas de l’échelle sociale, la stupidité rôde, touchant indistinctement tous les groupes sociaux, des élites aux plus défavorisés, avec toujours au sein de chaque groupe comme au sein de l’humanité elle-même, la même proportion de gens stupides. Descartes avait tort : ce n’est pas l’intelligence qui est la chose la mieux partagée au monde, c’est la stupidité. De là à en faire une sorte de discrimination génétique, il y a un pas, que franchit pourtant allégrement notre auteur : à ses yeux, c’est rien moins qu’un fait de nature… A tout prendre, on bichonnerait presque l’assertion pour ne pas avoir à désespérer de l’humanité : elle n’y peut rien, la Nature s’est jouée d’elle et ce, depuis ses commencements. Mathématiquement, la stupidité se répartit donc selon une proportion constante. Avec cependant, force est de l’admettre, un léger avantage pour les hommes. On ignore comment la nature est parvenue à un résultat aussi remarquable, mais c’est un fait : incontestablement, l’humanité est empêtrée dans sa propre stupidité. Les animaux, non. Peut-être parce qu’ils ont déjà beaucoup à faire les uns les autres avec leurs histoires de prédation. L’humanité, elle, s’est trouvée en son sein même une prédation sans pareille : sa propre stupidité. Et nul n’y échappe encore une fois, il est essentiel de l’observer. Prenez le fonctionnement des universités comme celui de nos grandes écoles par exemple : de l’administratif au savant, de l’étudiant de base à la bête à concours, la stupidité persiste et signe. Et à chaque niveau l’on trouve la même proportion de personnes stupides. Les Nobels ne font pas exception à la règle, pas davantage que Harvard ou Normal Sup’. Bon, cela dit, il faudrait tout de même savoir ce que l’on entend par là. La définition qu’en donne Carlo Cipolla est lumineuse : "est stupide celui qui entraîne une perte pour un autre individu ou pour un groupe d’autres individus, tout en n’en tirant lui-même aucun bénéfice et en s’infligeant éventuellement des pertes". Limpide ! Mais d’une limpidité qui nous plonge aussitôt dans des affres d’anxiété : confiez le moindre pouvoir à une personne stupide, immanquablement, c’est la société tout entière qui en pâtira… Et c’est bien ce que l’on peut observer jour après jour, puisqu’il y a la même proportion d’individus stupides dans les sphères du pouvoir que partout ailleurs dans la société ! On comprend pourquoi le monde va mal… Ce petit opuscule est un chef-d’œuvre de sophisme, qui mine de rien compose avec brio sur les prémisses de la pensée de l’économie politique, caricaturant jusqu’à l’excès les travers des discours du management. Cela dit, peut-être oublie-t-il le seul point qui puisse sauver à mes yeux la stupidité, qui ouvre à la plus profonde des métaphysiques, car seule la stupidité humaine est capable de nous donner une idée de l’infini…
Les Lois de la stupidité humaine, traduit de l’anglais par Laurent Bury, PUF, juin 2012, 7 euros, ean : 9782130607014.
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