LEFT, essai sur l’autre Gauche aux Etats-Unis
Non, Obama n’est pas l’incarnation de la Gauche américaine, n’en déplaise aux obamaniaques. Il existe une Gauche à la prétendue gauche d’Obama. Une vraie Gauche que par surdité politique, nous n’avons pas voulu entendre, tant Obama nous confortait dans nos propres dérives droitières.
Une Gauche radicale qui a toujours joué un rôle clef dans les moments les plus cruciaux de l’histoire des Etats-Unis, qui par parenthèse n’est pas une histoire linéaire, mais le halètement d’une succession de crises dramatiques.
C’est cette Gauche par exemple qui a mené le combat des droits politiques lors de la crise du système esclavagistes américains. C’est cette Gauche qui a conduit à l’abolition de l’esclavage et a mené le combat de la reconnaissance des droits des populations noires américaines.
C’est cette Gauche qui a mené le combat contre le capitalisme industriel sauvage, contre l’impérialisme américain barbare. Et c’est cette Gauche qui mène aujourd’hui le combat contre le système de la Finance mondialisée.
Une Gauche toujours fortement centrée sur l’idée d’égalité, imposant sa culture égalitaire aux réformes structurelles de l’Amérique. C’est elle qui a fait de l’idée égalitaire l’identité profonde des Etats-Unis, au moins sous la forme d’une représentation incontournable. Elle qui a non pas opposé stérilement comme la France l’a fait, l’idée de liberté à l’idée d’égalité, mais refusant l’hypocrisie de droits formels, a opposé l’idée de redistribution à celle du consentement fataliste aux inégalités.
Chaque fois, cette Gauche a surgi aux Etats-Unis quand le pays s’est trouvé à un tournant de son histoire. Un tournant marqué par la dimension systémique et identitaire de la crise en question. Un tournant qui exigeait une transformation radicale accompagnée d’un surplus de sens, que cette Gauche incarna en posant chaque fois la question de savoir ce que signifiait exactement être américain, et qu’elle traduisait chaque fois en un élargissement de l’idéal d’égalité.
Et c’est bien le cas de cette Gauche radicale qui, aujourd’hui, travaille au corps l’idée de démocratie participative.
Car c’est elle qui a su nous ouvrir les yeux sur la nature de cet ordre néolibéral qui a fini par s’imposer presque partout dans le monde. Cet ordre n’est pas simplement un ordre économique, mais un ordre politique et moral. Qui a su intriguer les valeurs libertaires des années 60 pour les vider de leur contenu égalitaire. L’individualisme débridé des années 60, le néolibéralisme l’a en effet déconnecté de l’éthos anti-capitaliste. Dépolitisées, ces valeurs ont alimentées le nouvel esprit du capitalisme, fondé sur l’hédonisme, le consumérisme et l’empowerment. Des valeurs au centre desquelles trône l’idée du choix rationnel, qui accrédite la thèse que l’égalité sociale serait une simple affaire de proportions économiques.
Mais les années 60 n’ont jamais été totalement absorbée par le néo-libéralisme. Leur promesse de radicalisation de l’idéal égalitaire est demeurée vive.
C’est ce combat que relève aujourd’hui un mouvement comme Occupy Wall Street, note Zaretsky. Un mouvement qui a de longtemps tourné le dos à Obama, otage volontaire des milieux de la Finance.
Occupy Wall Street contribue à assurer une présence permanente de la Gauche radicale dans la vie américaine.
Et qu’importe que ce mouvement soit aujourd’hui encore très peu programmatique : contre le pragmatisme technocratique de la fausse gauche, il défriche des voies nouvelles. Et Pour Zaretsky, il est clair que la relation à la crise que connaît le monde contemporain passe cette fois encore par la résurrection de cette Gauche radicale.
Les libertés politiques ne peuvent acquérir de contenu réel que sous l’impulsion d’une Gauche réellement critique, et des mouvements sociaux, qui seuls peuvent stimuler un vrai changement.
Left, Essai sur l'autre gauche aux Etats-Unis, Eli Zaretsky, traduit d el’anglais (Etats-Unis) par Marc Saint-Upéry, Seuil, coll. H.C. essais, septembre 2012, 297 pages, 20 euros, ean : 978-2021089028.