LE MEILLEUR DES MONDES, L’IMAGERIE DU XXème SIECLE…
21 Mai 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique
Un monde parfait… L’art de la propagande politique n’a cessé, au cours du terrifiant XXème siècle, de nous promettre son (presque) immédiat accomplissement, nazi, soviétique, fasciste ou maoïste. La collection rassemblée par John Fraser sur les utopies politiques et léguée à la Bodleian Library d’Oxford, dont quelques images nous sont ici présentées, constitue à coup sûr un patrimoine que l’on ferait bien d’étudier de plus près, tant il témoigne d’un moment de l’Histoire particulièrement singulier dans la course collective des hommes au bonheur.
Des cartes postales… Des cartes paraphées de l’intime, l’affectueux, l’amical, dédicaces abandonnées aux avions de transports et aux rails des chemins de fer d’une conviction de soi et de l’autre devenues, par quel tour grimaçant d’une histoire s’insinuant dans nos pas, support publicitaire des régimes totalitaires. Une esthétique de la candeur, certes, comme l’observe l’auteur, avec ses mises en scènes empreintes d’allégresses et d’héroïsme candide. Une propagande grossière jusqu’à l’absurde, Hitler en armure argentée, en selle sur son destrier noir, Lénine posant parmi les paysans, affable, maître spirituel sinon religieux, éclairant les masses de son intelligence surnaturelle. L’artifice partout à l’œuvre, cette déformation outrancière de la réalité réalisant peut-être mieux qu’un art plus raffiné, l’audace et la violence de la quête révolutionnaire, le retournement ahurissant des valeurs qu’elle impliquait égaré en revanches populistes. Suspendre l’incrédulité (Coleridge). Dans la rage de n’avoir pu être encore. L’espoir d’advenir enfin.
Mais sans doute ne faut-il pas exagérément chercher l’explication de ce désir d’un monde meilleur, ainsi que le fait l’auteur de l’opus, dans le psychisme humain qui nous pousserait à croire dans l’avènement d’un système politique où règnerait la Justice. Non plus que dans quelque psychisme de masses commodes à dénoncer. Toutes ces visions esthétiques, à cette distance d’où nous pouvons enfin les observer, révèlent autre chose encore, comme le fait que, curieusement, cette propagande politique est celle de la suspension du politique.
Elle est celle de Partis refusant de déployer la conception d’un Etat neutre moralement. Elle est celle d’Etats mettant partout au poste de commandement des morales sectaires. Morale ouvriériste, morale patriotique, c’est ce recouvrement du politique par la morale qui est ici en cause. La suspension du politique dans le cadre d’un Etat au sein duquel l’adhésion morale est requise sans concession. Elle est celle d’un Etat moral qui subordonne le droit de ses citoyens à sa conception de la vie bonne. Celle de Partis ayant développé une philosophie de l’homme, plutôt qu’une doctrine politique. Car si l’expérience politique du XXème siècle aura été celle d’armées ignorantes s’affrontant dans la nuit, cela vient moins du psychisme de l’homme que de ce détournement du politique subsumé sous des visions morales sectaires. Le bonheur n’est pas un objet politique. La Justice, si. Et le désir d’un monde plus juste n’est pas celui d’un monde parfait, on aurait tort de l’oublier.—joël jégouzo--.
Cartes postales du Meilleur des mondes : L'art de la propagande politique, de Andrew Roberts, traduction de Catherine Guillet, éd. Les Quatre Chemins, avril 2010, 111 pages, 14,50 euros, ISBN-13: 978-2847842005.
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