Le Journal d’Edward, Hamster nihiliste 1990–1990, Miriam et Ezra Elia
13 Juin 2014
, Rédigé par texte critique
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#en lisant - en relisant
«Samedi 3 mai. J’ai décidé de ne plus faire de roue. (…) Dimanche 4 mai. J’ai décidé de faire la roue, mais seulement la nuit quand ils dorment.» (…) Pour leur montrer «que si je fais quelque chose, je le fais pour moi, pas pour eux». (…) «Lundi 5 mai. A quoi bon exister.» (…) Le 7 mai, Edward note : «leur but est de venir à bout de ma volonté, de me réduire à néant. Ils peuvent me priver de ma liberté, ils n’auront jamais mon âme». Mais à quel prix ? La roue demeure longtemps –à l’échelle de la vie d’un hamster- l’objet de toutes ses considérations. Edward voit bien de quoi il retourne. Il refuse alors la roue mais y retourne, refuse les graines et y revient, commence une grève de la faim, repart à la roue, aux graines… Les graines, l’eau, la roue... «N’y a-t-il donc que cela ?! »… Au désespoir succède la révolte, à la solitude, l’envie d’entrer en relation avec le chat roulé en boule toute la journée : «Croies-tu en la liberté ?»… Partagé entre la décision d’y croire et celle d’y renoncer au spectacle de ce chat qui vagabonde d’autant plus librement dans la maison que son esprit, de l’avis d’Edward, reste enfermé derrière de solides barreaux. Et puis un jour ils ouvrent la cage. Edward scrute le vide béant qui s ‘offre à lui, terrifié à l’idée d’affronter une liberté à laquelle rien ne l’a préparé. Quelques secondes terribles, une vie à son échelle, avant que la cage ne se referme sur la boule de poil du nouvel hamster qu’ils ont glissé dans sa cage. Un compagnon. Un mâle. Bruyant. Qui fait de la roue sans se poser de questions. Un mâle qui passe son temps à manger, grossir et faire de la roue. Un mâle sans gêne, droit dans ses bottes… Qui met à vivre un enthousiasme insupportable. L’envie de le tuer prend Edward. De toute façon, se dit-elle, puisqu’il est une femelle, «la mort est la cage finale. Personne n’y réchappera». De réflexions sur la nature de la captivité en considérations sur l’effroyable banalité du quotidien, Edward s’interroge, sur l’ennui en particulier, qui nous pousse, parfois, à récupérer un peu d’être…
Le Journal d’Edward, Hamster nihiliste 1990–1990, Miriam et Ezra Elia, Flammarion, novembre 2013, 92 pages, 8,90 euros, ean : 9782081290235.