Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Dimension du sens que nous sommes

LA FRANCE EST GROTESQUE VUE DE L’ETRANGER…

7 Novembre 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

vieux-nouveau.jpgUn portrait au vitriol par l’historien britannique Perry Anderson…

 

 

La Vème République ? L’image même d’un pays dévasté, à la croissance atone, d’un pays en voie de paupérisation, souffrant d’un chômage de masse endémique mais se voilant la face sous les injonctions d’un système politique corrompu, méprisable, orchestré par une Assemblée Nationale qui passe pour le parlement le plus faible du monde occidental, et ressemble de plus en plus à cette chambre d’écho du Premier Empire qui ne cessait d’œuvrer à la violation de l’égalité des droits des citoyens…

La Vème République ? Une Constitution à l’agonie, encrassée par une culture politique cynique, une politique étrangère qui n’est plus que la parodie grimaçante du gaullisme, à la solde des vrais puissants de ce monde.

La France, examine Perry Anderson, est un pays sans éclats ou plutôt, dont les seuls chatoiements sont ceux, clinquants, des grands travaux dispendieux salués par une scène artistique stipendiée, des écrivains rutilants, des philosophes salonards.

La France offre ainsi à ses yeux la vision d’un pays qui n’a cessé de s’appauvrir politiquement et intellectuellement, pour camper désormais dans un abêtissement sans pareil, gavé de corruption intellectuelle, financière et politique.

Sa presse ? Elle a sombré dans les pratiques incestueuses du renvoi d’ascenseur. Prenez Le Monde, cette feuille conformiste, étriquée, épuisée par ses flagorneries, ses vendettas politiques et qui n’a cessé, dans ses pages culturelles, de multiplier les échanges de faveurs…

Complicités, servilités, les intellectuels français ont perdu tout prestige, toute envergure. Voyez comment BHL a fini par confisquer, avec Finky et Onfray, la vie intellectuelle du pays, l’engageant dans une inversion sans pareille des critères de goût et d’intelligence. "Verrait-on fleurir pareil grotesque dans une autre des grandes cultures occidentales aujourd’hui ?", nous demande Perry Anderson… Assurément, non…

Et que dire de la littérature française, où trône Houellebecq en Baudelaire des supermarchés, l’auteur par qui les lecteurs français aiment le mieux être choqués, déployant son épate à coups de phrases plates et monotones, reflétant certes à la perfection ce monde français démoralisé. Houellebecq et sa poésie de mirliton, servie par une critique littéraire nationale qui relève de la réclame. Aucun équivalent dans le monde libre. Une critique à mille lieux de celle du Time Literary Supplement, ou de la rigueur de Die Zeit. Jetez juste un œil sur ce que sont devenus les Cahiers du cinéma, vendus au merchandising façon Elle, et vous comprendrez que même le cinéma français ne soit justiciable que du très sirupeux Amélie Poulain.

Mais le plus passionnant de la charge de Perry Anderson, c’est ce qu’elle pointe au niveau des raisons d’un tel affaissement. D’où vient-il donc ? De la conversion massive des élites françaises au néo-libéralisme, affirme-t-il. Cela dès 1983, quand Mitterrand tourna le dos au socialisme. Dans aucun pays du monde occidental, affirme Perry Anderson, l’idéologie néo-libérale n’a connu un tel succès. En masse, la génération 68, qui est celle qui a le moins fait bouger les choses sociologiquement, n’aura cessé de se renier et de se vautrer dans son provincialisme intellectuel, pour produire in fine des intellectuels de gouvernement, des artistes de gouvernement, des hebdos de gouvernement, "national" serions-nous tenté de dire avec Todd, dans une France qui s’achemine lentement vers un ordre ethnicisé, au creux duquel une majorité blanche post-chrétienne fonde son identité sur l’hostilité à la minorité immigrée. Une France stipendiée, de laquelle s’est retirée ce genre de sensibilité culturelle dotée d’un vrai caractère politique incisif, qui forme ailleurs le contrepoids nécessaire à l’idéologie néo-libérale. --joël jégouzo--.

 

Le Nouveau Vieux Monde, sur le destin d’un auxiliaire de l’ordre américain, Perry Anderson, traduit d el’anglais par Cécile Arnaud, éd. Agone, coll. Contre-feux, octobre 2011, 738 pages, 30 euros, ean : 978-2-7489-0143-6.

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article