La France d’en bas, cher nous, comment vit-elle ? Il y a un cadavre dans les placards de la République : celui de la France d’en bas (2/3).
Quelle narration politique rendra réellement justice du sort réservé au grand nombre ?
A moins que la misère du monde ne soit, aux yeux des élites, qu’une différence discursive ouvrant la voie aux manipulations textuelles de tragédies dont personne n’a rien à faire.
Partout, des couches menacées de dégringolade sociale. Le onzième rapport du Secours Catholique sur l’évolution de la pauvreté en France recense 650 000 situations de pauvreté. Dont le logement. Où l’on assiste à la progression fulgurante de l’habitat précaire depuis 2004. La pauvreté s’enracine en France. 2 chômeurs sur 3 ne sont pas indemnisés. De 1988 à 2002, selon l’INSEE, le pouvoir d’achat des revenus monétaires de la propriété a augmenté de 202 %. Au cours de cette même période, le revenu moyen des français est resté stable. Comment est-ce possible ? L’INSEE divise la France en deux : les riches d’un côté, les pauvres de l’autre, et mélange les deux pour calculer le "taux relatif de pauvreté" de la population française. De 1984 à 2000, selon l’institut, le taux de pauvreté relative serait passé de 7,1% à 6,5% (Insee Première n°942, décembre 2003). En fait, et compte tenu du mode de calcul adopté par l’INSEE, c’est parce qu’il y a eu une hausse fabuleuse de l’enrichissement des riches. La Comptabilité nationale, élaborée par l’Insee, indique que les revenus de la propriété ont augmenté (de moins de 8% du PIB en 1978 à près de 14% en 2002). En lisant avec application les rapports de l’INSEE, on peut se rendre compte que le nombre de grandes fortunes a explosé en France : il suffit de se référer aux statistiques de la Direction générale des impôts. En 2001, l'INSEE précisait son mode de calcul: "certains (souligné par l’auteur) revenus du patrimoine inscrits sur le formulaire fiscal" seulement sont pris en compte. Or, selon l’Insee même, les données fiscales ne peuvent appréhender qu’1/5ème des revenus du patrimoine. La quasi totalité de ces revenus sont donc écartés de la connaissance statistique. Le samedi 24 décembre 2005 paraissait au Journal Officiel un décret portant modification d'un article du code du travail au sujet du contrôle des personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi. Aux termes de ce décret, il est donné droit aux agents du ministère de l'Emploi d’obtenir communication, "à leur gré", par les administrations fiscales, de toutes "données et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission". L’article précise en outre que ces mêmes agents pourront avoir" accès aux données et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission détenus par l'Agence nationale pour l'emploi, les organismes de l'assurance chômage et les administrations sociales". De l’aveu des agents du ministère, cette disposition de suspicion ne concerne que 0,006% des chômeurs. L’amendement 264, voté le vendredi 21 octobre 2005, à minuit, offre un abattement exceptionnel: 75% sur les actions détenues depuis plus de six ans. Si on prend en compte les deux autres volets du paquet offert - le bouclier fiscal limitant à 60% des revenus le montant cumulé de tous les impôts, ISF compris, et les exonérations des plus-values pour participation détenue depuis plus de 8 ans-, les 15 000 contribuables concernés par ces dispositions se voyaient offrir 2,6 milliards (soit le coût du plan Borloo pour le logement social). La quasi totalité des patrons des sociétés cotées au CAC 40 ne paie pas l’ISF. Ils en sont exemptés dès lors qu’ils ont investi dans des œuvres d’art ou leur outil de travail (bureaux), dans l’achat de bois et forêts, voire de voitures de collection. Cet avantage s’étendra au moment où ils prendront leur retraite: ils bénéficieront alors d’un abattement de 20% sur leurs emprunts en cours pour l’achat de leur résidence principale… Depuis trente ans, l’apparition de nouvelles formes de précarité et d’exclusion n’ont pas soulevé la moindre amorce de réflexion politique. Les outils de mesure de ces nouvelles pauvretés n’existent pas. Pour mesurer la pauvreté, l’INSEE ne retient pour seuil que le revenu moyen, qu’elle divise par deux. Dans ce calcul sont exclus les revenus du patrimoine. En 1994, le seuil de pauvreté était fixé à 530€ par mois. On comptait alors 4,5 millions de pauvres. Après intégration des revenus du patrimoine, le nombre de pauvres est passé à 5,5 millions. Depuis, l’INSEE écarte de ses calculs les revenus du patrimoine. Selon de vagues estimations, il y aurait en France de 1,2 à 3,5 millions de travailleurs pauvres - percevant des salaires inférieurs à 600 euros par mois. Il y aurait en France de 1 à 2 millions d’enfants pauvres. L’INSEE a commencé de publier ses chiffres sur l’état de la pauvreté en France en 1990. Dans le volumineux dossier de l’INSEE Economie et statistique, consacré en 1997 à la pauvreté, l’institut en comptabilisait 5,5 millions. Dans l’un des articles de ce document, l’INSEE révélait que ce taux de 10% de pauvres en France était à peu près stable. En 2001, l’INSEE a ramené le taux de pauvreté à 6,1%. En quelques années, 30% de pauvres ont disparu de la statistique nationale.—joël jégouzo--.
en vignette, le Que faire ?, de Lénine.