La Fille mirage, Elise Broach
13 Septembre 2013
, Rédigé par texte critique
Publié dans
#en lisant - en relisant
Jamie, Kit et Lucy. Trois ados en vacances sur la route du Nouveau-Mexique. Direction Phœnix. Luce est la sœur de Jamie. 15 ans. Une fin après-midi, sous un déluge de pluie, ils cognent durement quelque chose. Un coyote ? Les garçons ne veulent pas s’arrêter. « C’est juste un animal ». Mais la nuit tombé et à quelques kilomètres de là, le doute les prend. Ils font demi-tour et sur le bas-côté de la route, découvrent le corps d’une jeune fille. Tout bascule alors. Comment pourrait-elle être morte ? En sont-ils responsables ? Il y a une maison non loin. Une femme, la trentaine, leur ouvre sa porte. Elle prévient la police, qui débarque sous les traits du shérif Durell. Les garçons mentent sur leur consommation de bière. Luce aussi, qui a prélevé au poignet de la jeune morte son bracelet, sans trop savoir pourquoi. Un bracelet auquel il manque un bout. Tout se complique désormais. Durell embarque Jamie au poste, qui ne démord pas de sa thèse : il a heurté un coyote, pas une fille. Beth recueille Kit et Luce dans son capharnaüm d’artiste. Jamie les rejoint le lendemain, secoué, tandis que Luce, choquée elle aussi, croque de mémoire le portrait de la jeune morte. Retour du shérif, qui les interroge de nouveau, dubitatif, sur le lieu de l’impact. Mais dans la soirée, l’autopsie révèle que la fille est morte vers 14h, et non à l’heure tardive où ils passaient sur la route. Les ados pourraient s’en montrer soulagés, mais ils ne le sont pas. On ne sait pas de quoi elle est morte. La nuit suivante, Luce surprend son frère à pleurer dans les couloirs de la maison de Beth, qui se relève, le console, avant de se laisser aller dans ses bras. Luce a vu toute la scène, pétrifiée. Scandalisée, mais plus obnubilée encore par le destin de la jeune fille. De quoi est-elle morte ? Aux aurores, elle entraîne Kit avec elle, parcourt le chemin que la fille a dû emprunter, son carnet sous le bras, enquête dans un café perdu de ce désert d’Arizona, où elle montre le portrait qu’elle a réalisé d’elle. La réaction de la serveuse la trouble. Un homme aurait été vu en sa compagnie quelques temps avant son décès. Un habitué que Luce et Kit croisent, au visage patibulaire. Luce est saisie d’effroi devant l’homme. Elle est désormais convaincue qu’il a tué la jeune fille, et n’aura de cesse d’en apporter la preuve à la police incrédule. Quelques jours dans le désert, à peine, et leur vie cette fois a complètement basculée. Luce s’est rapprochée de Kit, s’est ouverte à ses émotions sensuelles, tandis que Jamie couche avec Beth. Peut-être parce qu’ils ne savent plus, qu’ils cherchent un sens à cette aventure, à cette mort si proche d’eux qu’il leur faut trouver de nouveaux repères loin de la raison familiale, affronter leur insouciance, dessiller les yeux. Sans doute parce que cette histoire leur explique qui ils sont réellement. Dans un superbe récit qui ne surajoute aucun commentaire, aucune explication psychologisante. Au beau milieu du désert, dans ces espaces qui ne sont pas des lieux et qui échappent à toute démonstration, l’auteure construit ainsi un superbe roman d’éducation qui n’oublie jamais qu’un ado reste un ado, quand bien même l’aurait frappé la conscience d’être enfin au monde. Un récit superbement écrit, ménageant des moments de pauses, de silence, de trouées de conscience dans ces soliloques clairvoyants du personnage de Luce, notre fil conducteur.
La fille mirage, de Elise Broach, traduction Etaïnn Zwer, éd. Du rouergue, mars 2013, coll. DoAdo noir, 336 pages, 15 euros, ISBN-13: 978-2812604997.