LA CONSTITUTION DE LA Ve REPUBLIQUE EST-ELLE UN OUTIL OBSOLETE ?
Dans quelle société vivons-nous ? (8/10)
Alors que la Constitution de 1958 digère tout juste la révision du 23 juillet 2008, une crise de défiance se fait jour à son égard. Il n’est pas jusqu’aux libéraux qui ne trouvent désormais cette constitution embarrassante, à l’heure où le libéralisme économique exhibe ses faiblesses. Jean-Philippe Feldman, avocat à la cour de Paris et professeur à l'université de Bretagne-Sud, ouvre ainsi la voie en recommandant par exemple "l’utopie réaliste" d’une constitution libérale. Son ouvrage, De la Ve République à la Constitution de la Liberté, interroge les constitutionnalistes et les politiques, mais également les citoyens sur ce que doit être une constitution. Sans partager ses conclusions, reconnaissons l’intérêt d’une telle question.
Mais comment répondre à cette question en tant que citoyen ?
D’où partir pour réfléchir une nouvelle Constitution ?
A l’évidence, l’urgence en face de laquelle nous place l’état sarkozien intime de s’en remettre d’abord à l’exigence de souveraineté de l’individu, l’explicite de 89, impliquant le droit pour chacun de s’opposer aux abus de pouvoirs de l’État. Rappeler en quelque sorte que l’état de droit est un État dans lequel les Droits de l’homme sont garantis contre l’arbitraire, ce qui revient à convoquer l’article 3 de notre Constitution : «la souveraineté nationale appartient au peuple».
Au fond, la question fondamentale qu’il faudrait poser est celle de savoir ce qu’est l’essence d’une Constitution. Réponse : c’est la conception du pouvoir qu’elle met en œuvre.
Or, si jusque là le trait essentiel de la Constitution de la Ve République était d’affirmer le rôle de l’état comme force animatrice de la vie politique, sans doute faut-il aujourd’hui insister sur le fait que l’état est certes un pouvoir, mais qu’il n’est pas tout le pouvoir disponible dans une société. Il y a même un vrai danger à le penser comme l’essence de la nation, de son énergie, et le laisser capter tout le pouvoir disponible.
De sorte que la Constitution de la Ve République est sans doute devenu un outil obsolète qui entrave la venue d’une société nouvelle.
Car cette Constitution, pour quoi (et pour qui) était-elle faite ?
L’objectif du Général de Gaulle, rappelons-le, était de renforcer le pouvoir présidentiel, en maintenant le régime parlementaire sous surveillance. Le régime politique gaullien offrait ainsi cette particularité d’asseoir au sommet de l’Etat républicain un Président-Monarque. On le sait, cette Constitution portait en elle les risques d’une sérieuse dérive autoritaire. Avec ‘l’hyper-président’ actuel, nul besoin de pousser l’analyse : la dérive est la norme. Et elle inquiète, même si, comme l’affirme l’historien Serge Berstein, la culture politique française, solidement républicaine, constitue un garde-fou contre toute émergence d’un fascisme français. Il n’empêche : le résultat, aujourd’hui, c’est un chef d’état-et-de-gouvernement agacé par un Parlement, pourtant déjà fort diminué et contrôlé. Et si le Général de Gaulle n’était pas l’homme des intérêts partisans, l’actuel président, lui, si. La dimension transcendante que revêtait en outre l’Etat dans l’allure gaullienne, le rendait propre à dépasser toute rixe partisane – dans l’actuel situation, la rixe partisane est la règle sous des faux airs d'ouverture.
Cela dit, plus qu’un refus de la dyarchie à la tête de l’Etat, qui est l’analyse habituelle que font les consitutionnalistes de notre étrange situation, ce qui caractérise l’Etat français aujourd’hui, c’est son refus d’un sommet contingent labile, marque des grandes démocraties avancées. Sans sommet contingent labile, l’Etat français s’avère incapable de libérer les énergies créatrices. Car la vérité d’un état démocratique contemporain réside là : dans le concert d’un sommet contingent, labile. Dans cette déstabilisation fondatrice de la puissance suprême, qui inclut dans le pouvoir politique la particularité de valeurs nécessairement opposées.—joël jégouzo--.
De la Vème République à la Constitution de la Liberté, de Jean-Philippe Feldman, éditions Institut Charles Coquelin, novembre 2008, ISBN : 2-915909-19-7
Alors que la Constitution de 1958 digère tout juste la révision du 23 juillet 2008, une crise de défiance se fait jour à son égard. Il n’est pas jusqu’aux libéraux qui ne trouvent désormais cette constitution embarrassante, à l’heure où le libéralisme économique exhibe ses faiblesses. Jean-Philippe Feldman, avocat à la cour de Paris et professeur à l'université de Bretagne-Sud, ouvre ainsi la voie en recommandant par exemple "l’utopie réaliste" d’une constitution libérale. Son ouvrage, De la Ve République à la Constitution de la Liberté, interroge les constitutionnalistes et les politiques, mais également les citoyens sur ce que doit être une constitution. Sans partager ses conclusions, reconnaissons l’intérêt d’une telle question.
Mais comment répondre à cette question en tant que citoyen ?
D’où partir pour réfléchir une nouvelle Constitution ?
A l’évidence, l’urgence en face de laquelle nous place l’état sarkozien intime de s’en remettre d’abord à l’exigence de souveraineté de l’individu, l’explicite de 89, impliquant le droit pour chacun de s’opposer aux abus de pouvoirs de l’État. Rappeler en quelque sorte que l’état de droit est un État dans lequel les Droits de l’homme sont garantis contre l’arbitraire, ce qui revient à convoquer l’article 3 de notre Constitution : «la souveraineté nationale appartient au peuple».
Au fond, la question fondamentale qu’il faudrait poser est celle de savoir ce qu’est l’essence d’une Constitution. Réponse : c’est la conception du pouvoir qu’elle met en œuvre.
Or, si jusque là le trait essentiel de la Constitution de la Ve République était d’affirmer le rôle de l’état comme force animatrice de la vie politique, sans doute faut-il aujourd’hui insister sur le fait que l’état est certes un pouvoir, mais qu’il n’est pas tout le pouvoir disponible dans une société. Il y a même un vrai danger à le penser comme l’essence de la nation, de son énergie, et le laisser capter tout le pouvoir disponible.
De sorte que la Constitution de la Ve République est sans doute devenu un outil obsolète qui entrave la venue d’une société nouvelle.
Car cette Constitution, pour quoi (et pour qui) était-elle faite ?
L’objectif du Général de Gaulle, rappelons-le, était de renforcer le pouvoir présidentiel, en maintenant le régime parlementaire sous surveillance. Le régime politique gaullien offrait ainsi cette particularité d’asseoir au sommet de l’Etat républicain un Président-Monarque. On le sait, cette Constitution portait en elle les risques d’une sérieuse dérive autoritaire. Avec ‘l’hyper-président’ actuel, nul besoin de pousser l’analyse : la dérive est la norme. Et elle inquiète, même si, comme l’affirme l’historien Serge Berstein, la culture politique française, solidement républicaine, constitue un garde-fou contre toute émergence d’un fascisme français. Il n’empêche : le résultat, aujourd’hui, c’est un chef d’état-et-de-gouvernement agacé par un Parlement, pourtant déjà fort diminué et contrôlé. Et si le Général de Gaulle n’était pas l’homme des intérêts partisans, l’actuel président, lui, si. La dimension transcendante que revêtait en outre l’Etat dans l’allure gaullienne, le rendait propre à dépasser toute rixe partisane – dans l’actuel situation, la rixe partisane est la règle sous des faux airs d'ouverture.
Cela dit, plus qu’un refus de la dyarchie à la tête de l’Etat, qui est l’analyse habituelle que font les consitutionnalistes de notre étrange situation, ce qui caractérise l’Etat français aujourd’hui, c’est son refus d’un sommet contingent labile, marque des grandes démocraties avancées. Sans sommet contingent labile, l’Etat français s’avère incapable de libérer les énergies créatrices. Car la vérité d’un état démocratique contemporain réside là : dans le concert d’un sommet contingent, labile. Dans cette déstabilisation fondatrice de la puissance suprême, qui inclut dans le pouvoir politique la particularité de valeurs nécessairement opposées.—joël jégouzo--.
De la Vème République à la Constitution de la Liberté, de Jean-Philippe Feldman, éditions Institut Charles Coquelin, novembre 2008, ISBN : 2-915909-19-7
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