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La Dimension du sens que nous sommes

L’ETHNICISATION DE LA FRANCE… L’IDENTITE EST-ELLE UN PATRIMOINE ?

20 Octobre 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

amselle-etnicisation.jpgJean-Loup Amselle intervient dans un débat qui n’est pas le sien, ou plutôt, qui n’est pas celui de sa discipline : l’anthropologie. Et ce faisant, il se couvre de ridicule, au mieux, car au pire, il émarge aux idéologies les plus douteuses, à défendre d’une part pareillement cette abstraction commode qu’est le modèle républicain français, aussi vide de sens public qu’il est abstrait, et prétendre d’autre part que ce modèle serait, le malheureux, assailli dans on sait trop bien quelle croisade il nous faudrait livrer, par un multiculturalisme anglo-saxon hérité des plus sombres agitations germaniques autour du concept de Kultur, associées à la désastreuse influence de la french theory sur les milieux universitaires américains…

Car que l’on prenne un peu la peine de lire les récentes études sur cette question si consensuelle du modèle républicain français, celles de nos députés par exemple, Gauche-Droite confondues, publiant un rapport aussitôt jeté dans les oubliettes de la République sur l’état des banlieues françaises pour affirmer, statistiques à l’appui, qu’elles sont devenues de véritables ghettos (ils emploient le mot !). Qu’on prenne la peine de lire l’étude récentes de chercheurs sur les cités, concluant à l’absence de ce modèle républicain entre les barres des immeubles non pas du fait de la volonté des jeunes qui y survivent, mais d’un Etat qui a décidé non seulement de se retirer de ces ghettos qu’il a construits, mais de les livrer à un vide effarant pour, n’en doutons plus, contempler à loisir leur chute infernale, et l’on mesurera alors ce que ces bonnes paroles républicaines apportent au débat !

Alors bien sûr, l’ouvrage ne se réduit pas à hurler avec les loups le désespoir de voir notre culture blanche si malmenée. Alors bien sûr, nous voulons bien imaginer avec Amselle que l’identité ne se déduit pas mais qu’elle se compile, encore faut-il l’analyser dans toute sa complexité, plutôt que de se contenter de déverser le vocabulaire des pétitions de principe à l’usage des étudiants de Khâgne… Une doxa forcenée en gros, où l’on croit s’en tirer avec la récitation du catéchisme intellectuel le plus convenu. Comme d’oser écrire des banalités du genre : c’est ce que l’on devient qui importe, pas ce que l’on est… Qu’il aille donc commenter son antienne dans les cités, où tout devenir est interdit.

supdupont.jpgDe même, l’on veut bien applaudir des deux mains à la dénonciation d’une Gauche qui aura failli ces dernières décennies, en abandonnant les classes laborieuses aux discours les plus tragiques de la République.

Mais qu’on veuille nous expliquer que construire le lien social c’est passer à travers les aires culturelles, là, on attend encore en vain une explication qui ne soit pas un sermon. Car on veut bien ne pas enfermer les enfants de la diversité dans leur négritude, belle formule, et eux aussi, cher Amselle, le voudraient bien, encore faudrait-il que la République le veuille elle aussi !

Amselle croit par ailleurs s’en tirer en dénonçant les discours de l’actuel pouvoir, qui nous ressert ce vieux plat bien français au demeurant, de la race et de sa souche. Il peut bien dénoncer le fiasco du débat sur l’identité nationale, mais à mettre pareillement en avant sa dénonciation de la promotion d’un marché politique de l’ethnicisation, du marketing ethnique, de la création artificielle de la diversité, on attend toujours qu’il nous prouve l’efficacité symbolique de l’idée de Nation, dans un pays où son usage ne paraît réservé qu’aux français de souche…

Car Amselle oublie une chose : c’est que la question de l’identité est d’abord une question politique. Une question qui ne se pose que dans le cadre des remaniements identitaires en cours, sur lesquels il serait dangereux de ne jeter qu’un œil agacé.

Comment ne pas reconnaître en effet la nature intrinsèquement politique des phénomènes identitaires ? Comment ne pas reconnaître que ce qui se joue dans la question du lien social, c’est bien une construction politique qui met toujours en cause les rapports de domination du pouvoir ?

Comment ne pas comprendre que cette construction des identités passe par l’assignation à chacun d’une identité propre lui permettant d’être socialement reconnu, mais que cette assignation ne peut être tributaire que de la manière dont sont produits, autorisés et diffusés l’ensemble des référents identitaires ?

PriseBastille.jpgComment ne pas comprendre qu’une société telle que la nôtre ne peut durer si les individus qui la composent ne trouvent pas le moyen de s’y repérer positivement ? C’est-à-dire dégager de leur expérience les supports de cohésions suffisants, comme le disent les chercheurs en sciences sociales. Allez dans les banlieues, étudier ces supports autorisés de cohésions suffisants ! Regardez comment la République y a façonné son désordre social. Partout ailleurs, dans les sociétés contemporaines, l’ordre social est tributaire du droit. Regardez comment la République française a sorti elle-même le droit des cités. Examinez-le simplement, dans les articulations les plus basiques de l’identification -nom, domicile, état civil-, appelez-vous Mohamed et travaillez votre parcours dans le neuf-trois.

Le vide laissé par la République a déchiré les individus. Alors Amselle peut bien invoquer l’idée de la Nation, mais depuis des décennies l’on sait pertinemment que la Nation n‘est pas, ne peut pas être le seul lieu d’identification, quand depuis des lustres des identités plus larges (l’Europe), plus étroites (la cité), la traversent légitimement. Quand depuis des lustres elle subit la concurrence des identités professionnelles, militantes, partisanes, associatives. Quand depuis des lustres l’identité fermée des pseudos républicains sévit comme la source la plus fumeuse du plus fumeux des malentendus !

L’identité enfin, n’est pas comme voudrait le croire Amselle, une donnée inaltérable. C’est, encore une fois, une construction sociale. Il faut le marteler : elle est le produit contingent d’une société qui ne cesse de se transformer. L’identité nationale ne peut pas être un patrimoine. Politique, elle s’invente dans les conflits qui traversent une société et ne peut ainsi qu’être problématique. Une stratégie de pouvoir, assurément, une ressource idéologique face à la soustraction républicaine dans les cités, non un argument d’autorité. Il n’y a pas de prêt-à-porter identitaire, de blouse d’écolier dont on forcerait tous les gamins de France à se parer ! Le socle identitaire est affaire de négociations, car l’identité ne peut être qu’un projet, bâti au terme de négociations qui ne peuvent pas ne pas poser la question du Pouvoir. --joël jégouzo--.

 

L’ethnicisation de la France, de Jean-Lou Amselle, éditions Lignes, août 2011, 144 pages, 14 euros, EAN : 9782355260803.

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V
Je suis désolée de vous le dire ainsi, mais vous n'avez absolument pas compris le livre de J-L.Amselle...
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T
<br /> <br /> je suis désolé de vous le dire ainsi, mais vous n'argumentez guère...<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Blog(fermaton.over-blog.com).No-30. THÉORÈME BALTASSAR.--DÉSORDRE SOCIAL ??<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> est-ce une question ?<br /> <br /> <br /> <br />