Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Dimension du sens que nous sommes

L’Autorité politique : qui doit gouverner ?

29 Mai 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

17juin89.jpgPierre-henri Tavoillot, dans ses cours sur l’autorité, nous entraînait dans une passionnante genèse du concept d’autorité politique, de la Grèce à la France des Lumières, tout en observant que les réponses apportées sur la question par les grecs ou par Rome nourrissaient toujours, souvent pour de très paresseuses raisons, le débat politique contemporain. Un débat qui longtemps se résuma à l’alternative : Idéal, ou Real politik ? Platon ou Machiavel ? Deux horizons à l’intérieur desquels aujourd’hui encore nombre de nos réponses prétendent se déplier. Mais deux réponses intrigantes, signant la sortie de la politique. Pour Platon en effet, ce choix de l’idéal ne peut que rater le souci du politique, son idéal n’étant pensable que dans le cadre de l’utopie d’un monde abstrait, vivant en paix et en harmonie avec lui-même, et au sein de ce monde, tous avec chacun. L’autre grande signature de l’échec, Tavoillot la situe dans Machiavel, l’œuvre la plus considérable sans doute du champ de la réflexion politique. Car Machiavel annule lui aussi le politique en ignorant l‘aspiration des hommes au Bonheur. Or Machiavel mit fin à l’ordre politique ancien, provoqua une crise du dogme pour établir la norme moderne de l’ordre politique qui instaure comme seule autorité politique celle de la Raison d’Etat. En elle on a pu lire la matrice de tous les principes qui ont fondé l’action politique jusqu’à nos jours, comme la matrice de l’histoire que l’on a voulu nous imposer, qui n’était rien d’autre, à travers celle des élites, que l’histoire de la persévérance d’une volonté publique ordonnant autoritairement les finalités du vivre ensemble : le Prince doit maintenir l’ordre, l’état est la condition du salut sur la terre. pv-17-juin.jpgFace à cette réponse par trop inique, une seconde réponse se fit jour peu à peu dans l’histoire des hommes, identifiable sous les traits de la philosophie du Droit dit naturel. Il s‘agissait pour ce courant de pensée de trouver et fonder en l’homme le principe d’autorité. Contraint de répondre d’abord à la question de savoir où gisait l’essence de l’homme, nos penseurs explorèrent l’anatomie et la psychologie, la nature humaine et ses cultures, pour en définitive conclure qu’il n’existait que des situations et que la toute première d’entre elle était cette capacité de l’être humain à s’arracher à sa nature : seule la liberté importait et fondait a posteriori son essence.

L’école du droit naturel, disparate, de Grotius à Rousseau, finit, bien avant Sartre, théoricien des situations humaines, par trouver un accord non quant à une définition, mais, et c’est sans doute le plus important et une avancée sans précédent dans la pensée humaine, sur une méthode de raisonnement : aucune fondation ancienne n’était plus pertinente. Il fallait donc faire table rase des principes anciens, déconstruire leurs soubassements et se mettre en quête d’un fondement solide : le contrat social, à partir duquel l’on pouvait reconstruire tout l’édifice politique. Tous finirent par se mettre d’accord sur des principes fondamentaux : liberté, égalité, sûreté, propriété, etc. Il n’y avait certes pas grand chose de neuf là dedans, ainsi que le fit remarquer malicieusement Spinoza, puisqu’il s’agissait tout simplement de séculariser le Décalogue et les évangiles. autoritéMais l’essentiel n’était pas là : il était dans le fait que cette sécularisation était cette fois le produit d’une réflexion individuelle, non l’héritage d’une Parole révélée, et que ce faisant, cette réflexion sanctionnait la puissance d’une autorité purement humaine. C’est comme cela que peu à peu s’est imposée l’idée démocratique, conçue comme l’efficacité théorique du droit naturel et non un contenu formel sur lequel engager des discussions sans fin. La démocratie n’était pas une réalité mais un principe, voire, mieux encore : une méthode. Le retournement était spectaculaire. Il s’affirma pleinement, politiquement, le 17 juin 1789, date à laquelle les Etats Généraux s’autoproclamèrent Assemblée Nationale. Le peuple constituait désormais le principe de la légitimité politique, il était cette autorité purement humaine que les hommes avaient tant désirée.

  

 

Les métamorphoses de l’autorité, Pierre-henri Tavoillot, FREMEAUX & ASSOCIES, mai 2012, 4 CD-roms, 1 livret de 8 pages, ean : 3561302537221

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article