JIPENNSHA IKKÛ, A PIED SUR LE TÔKAIDÔ
7 Juin 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant
Voyager à pied. Un genre au Japon. Un genre philosophique même. A l’époque d’Edo s’entend. Par millions, jetés sur les routes, les japonais voyageaient. Un genre littéraire aussi bien, celui du récit de voyage, sur la route d’Ise en particulier, celle du fameux monastère. Des routes noires de monde, femmes, enfants, vieillards, gens d’armes, de maison, journaliers. En 1793, Jippennsha décide de descendre à Edo. Le long de la côte pacifique, il clopine sur le Tôkaido. Trois serviettes, un grand foulard sur la tête, un éventail pliant, quelques pinceaux, de l’encre, du papier de soie, Jipennsha part à l’assaut des cinquante trois relais de la route. Ecrit en forme de guide touristique à l’adresse des amateurs de spécialités régionales, il moque en fait ce Japon traditionnel que tous portent aux nues, transformant l’épopée en cavale littéraire, égrenant les bourdes, les calembredaines, les quatre cent coups en somme, accompagné d’un ami plus fantasque encore, dans l’absolu non-sens de leur virée. Très vite, le voici qui rompt de fait avec la philosophie du voyage, qui se fait égrillarde sous sa plume. Rétif au labeur littéraire, bâclé pour couvrir ses dépenses, il s’adonne plus volontiers au pétrissage frénétique de la pâte à nouilles pour mettre un peu de beurre dans ses épinards, laissant la phrase s’étirer à l’envi, diverger et nous égarer. Fuyant cocher de porche en porche, une voile plantée au milieu des fesses pour courir plus vite, il sème partout sa joyeuse pagaille et vide les fonds de ses poches sur des comptoirs de fortune, impécunieux, toujours, cultivant même cette impécuniosité constitutive de la liberté qu’il s’offre de pouvoir toujours se tenir dans le dire le plus loufoque qui soit et de n’être jamais que là, dans la désinvolture d’une langue à tout jamais déliée, inventant au passage mille expressions picaresques toutes plus hilarantes les unes que les autres, des expressions qui durent imposer à ses traducteurs le plus réjouissant labeur qui se puisse imaginer ! --joël jégouzo--
A pied sur le Tôkaidô, de Jippensha Ikkû, roman picaresque traduit du japonais par Jean-Armand Campignon, Picquier poche, 394 pages, 10,50 euros, janvier 2011, ean : 978-2-877-303613.
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