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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 04:38
intro-geopol.jpgUne guerre de retard… L’essai est signé par un saint-cyrien bardé de diplôme, enseignant à l’Ecole de Guerre. Histoire, outils, méthodes, on pouvait s’attendre à découvrir la fine fleur de la pensée française en matière de géopolitique. Mais non, rien de tel… La partie historique est bien sûr parfaite. Braudel en médaillon, notre saint-cyrien maîtrise son sujet et donne en quelques paragraphes rondement exécutés un aperçu des plus complets sur la fondation d’un art de penser (la géopolitique n’est pas une science, elle le prouve encore dans cet essai), particulièrement subtil, qui engage des sommes de connaissances et de savoirs qu’aucun géopoliticien ne peut à lui seul posséder –d’où les erreurs à répétition qui ont jalonné le discours géopolitique. Sur les outils, l’essai est déjà plus vague. De quoi faudrait-il disposer pour poser un jugement géopolitique ? L’analyse de la géographie physique semble ici dominer la pensée de notre chef de guerre. On comprend mieux alors la référence à Braudel : l’analyse des régularités physiques relève d’un temps long qui lui était cher, qui autorise le géopoliticien à s’enfermer dans une vision paresseuse du monde, construite pour l’éternité ou peu s’en faut… L’analyse des voies fluviales, aériennes, terrestres nous ramène ainsi à la géographie de Vidal-Lablache, certes précurseur,  mais propre à enliser la géopolitique dans la stratégie militaire de la ligne Maginot, oublieuse des contournements que les militaires du reste ne cessent d’inventer pour dé-border la géographie physique… Pour le reste, la longue liste très peu exhaustive des outils nécessaires à la construction du jugement géopolitique, étude démographique, étude des populations, des identités, des ethnies, des langues, des cultures, des religions, des ressources naturelles, etc., qui déjà donne le vertige, ne paraît guère novatrice et omet nombre d’autres facteurs, de la finance à l’idéologie, en passant par l’appropriation technologique et ses représentations collectives, susceptibles de bousculer le ronronnement de l’analyse stratégique. Sur la méthode, notre essayiste est encore plus bref. Elle s’apparente plutôt au récit de la situation internationale telle qu’elle se donnait à voir il y a une bonne quinzaine d’années. Les acteurs y sont toujours prioritairement les états et les nations, les acteurs privés de la Finance ou du Capital n’entrant pas en ligne de compte dans l’approche proposée. Quant aux enjeux, ils sont eux aussi restés ceux d’hier : le pétrole, l’eau, les terres rares. Rien sur leur renouvellement, comme la confiscation des terres agricoles à l’échelle mondiale, nouveau bras de fer entre la Chine et les Etats-Unis. Au fond, ce qui pêche dans l’approche de notre saint-cyrien, c’est la définition sur laquelle s’appuie son raisonnement : pour lui, la géopolitique relève exclusivement de «l’analyse dynamique des inerties ». Les inerties... Braudel toujours, et son temps long. Les inerties. Certes. Mais voilà une définition qui se montre incapable de prendre en charge le nouveau, ce qui vient justement bousculer le poids des inerties patiemment relevées au fil des siècles. Il me semble que nous gagnerions à penser la géopolitique en termes de puissance plutôt que d'inerties (qui sont les embrayeurs de la pensée historienne), de localisation de cette puissance et de ses enjeux. Dématérialisée, cette notion ouvrirait plus radicalement à la compréhension des éléments contemporains constitutifs de cette puissance, tout comme des nouveaux instruments de la domination mondiale, de la Finance à la privatisation des terres agricoles, l’impérialisme foncier qui se fait jour actant d’un nouvel ordre du monde passablement inquiétant.
 
 
Introduction à la géopolitique, Olivier Zajec, Argos édition, 15 mai 2013, coll. Géopolitiques, 140 pages, 13,90 euros, ISBN-13: 978-2366140033. 
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