Dans Hortense a dit je m’en fous, deux systèmes de pensée s’affrontent, inconciliables : celui du dentiste Follebraguet et celui de Marcelle,sa femme. Et la ligne de front qui les sépare trace moins les contours d’une farce conjugale que ceux d’une faille dans laquelle tout le XIXème siècle se voit précipité avec la guerre de 14-18. Follbraguet ne comprend plus ce qu’on attend de lui : l’honneur qu’on lui commande de défendre ne se recommande plus à ses yeux que comme sottise…
Lors de la création d’Hortense, en 1916, la guerre contre l’Allemagne entre dans sa phase la plus cruelle : sa machinerie atteint une efficacité qui rompt de manière radicale avec toute la conception traditionnelle de la guerre. Un nouveau genre d’affrontement, hautement technicisé –artillerie lourde, gaz, mitrailleuse-, réussit à décimer des bataillons entiers, français ou allemands, dans des dimensions jamais connues, et cela sans qu’aucun terrain ne soit gagné, ni perdu. Pour l’opinion publique, la guerre est devenue non seulement inhumaine, mais absurde. Les journaux des tranchées, écrits par les soldats eux-mêmes et diffusés au front avec les moyens du bord, reflètent cette chute du moral des troupes. La propagande de l’arrière, même lorsqu’elle fonctionne sur la dénonciation des atrocités commises par l’ennemi, s’abat sur des oreilles sourdes : le sauve-qui-peut a fait place aux sentiments patriotiques. L’ennemi, au fond, ce n’est plus le soldat d’en face, c’est la machine, sinon ces technocrates qui, à l’état-major, scellent leur sort. La crise de confiance est alors double : elle ne s’arrête pas à remettre en question les stratégies de l’état-major, elle interroge tout le système de valeurs qui cimentaient la société d’hier. Le "il faut" rencontre désormais sur sa route l’obstacle d’un "je m’en fous" désabusé. --joël jégouzo--.