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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 05:08
 
freres-de-guerre.jpg14-18. Pour la jeunesse. Moins pour son édification fort heureusement, que sa dénonciation.
 
1er août 14. 80% des ruraux sont mobilisés. La Patrie sait épargner ses bourgeois… Le tocsin sonne. Les villageois se ruent Place de l’église. L’heure de la revanche est venue, distille une propagande bornée.  Le lendemain, en place publique est placardé l’avis de mobilisation et la déclaration du Président de la république : « La mobilisation, ce n’est pas la guerre. Dans les circonstances présentes, elle apparaît au contraire comme le seul moyen de sauver la paix dans l’honneur de la patrie»… Sauver la paix… On tente d’y croire. Tout comme à l’honneur d’une patrie qui va envoyer par millions ses enfants à l’abattoir. Avinés, drogués, courant à l’échafaud comme les poilus appelaient eux-mêmes l’assaut. La guerre donc, que les allemands déclarent à la France le 3 août. Eugène, 15 ans, veut y aller. Il décide de s’engager, avec son copain d’enfance, Matthias. Ce n’est pas qu’on s’ennuie vraiment à Saint-Pathin, parmi le bruit des forges et des percherons piétinant le gravier du village. Mais l’aventure est aux portes, comme y invite la propagande. Ils partent donc un beau matin sans prévenir leurs parents. Ils partent pour cette belle aventure qui est comme un rêve de gamin. Fiers de leurs uniformes imbéciles, culotte rouge, vareuse bleue... Tandis que l’armée réquisitionne tous les chevaux disponibles, procédant à l’immense saignée dans tous les villages de France. Dix millions d’entre eux périront. Volés aux paysans… Eugène et Matthias sont en route. Les nouvelles sont bonnes : on a repoussé les allemands sur la Marne. Quand on croyait qu’ils avaient été bloqués à la frontière… Les journaux ne cessent de mentir. On ne compte plus, dans leurs pages, nos batailles victorieuses… Si bien que dans les campagnes, tous les gamins veulent y prendre leur part. Trop facile ! Trop beau. La propagande lève des milliers de volontaires.  En novembre, les allemands sont toujours repoussés mais ils ne cessent d’avancer. Eugène et Matthias sont séparés. Eugène rejoint le front : les collines de l’Argonne. En troisième ligne d’abord, où commence l’attente. Longue, désespérante. On solidifie les tranchées, on bricole.  Interminablement. Commencent les marmitages.  Une semaine de bombardement intense, avant l’assaut donné par les troupes allemandes. Qui prennent leurs premières lignes. Tout n’est bientôt que ruines autour d’Eugène. Partout gisent les corps emmêlés. Que des millions de rats viennent dévorer vague après vague. Partout l’immense puanteur. Et puis un jour Eugène doit partir lui-même à l’assaut. Le coup de sifflet retentit. Trois fois. On leur a distribué juste avant un cocktail anesthésiant : de la poudre à fusil, de l’alcool frelaté et vin à volonté.  Les soldats, ivres, foncent à travers les lignes de barbelé. La première vague aussitôt balayée par les mitrailleuses. Au sentiment de la victoire se substitue celui de la révolte. Tant de gâchis pour rien. Plus tard viendront les gaz, l’affolement des troupes françaises qui n’y sont pas préparées et ne possèdent aucun équipement pour lutter contre –les premiers masques à gaz leur arriveront en mai 1915... Matthias meurt. Gazé. Eugène l’apprendra cinq mois plus tard. Avant de découvrir Verdun et sa tuerie organisée. Blessé de cette belle blessure à laquelle rêvent tous les poilus, il part en permission, retourne au village subir l’agacement de l’ignorance à l’arrière du front. On lui parle des boches, de leur courage à eux quand il ne connaît, lui, que la honte : «Pourquoi nous sommes-nous battus ?» Eugène finira par se taire, heureux de n’avoir plus à parler de cette guerre qui n’était pas la sienne, qui n’était pas la leur mais celle des marchands de canons et des grands industriels capitalistes. Une vérité que l’Etat ne veut pas révéler, que la Nation ne veut pas affronter. Toutes ces morts inutiles. Son rêve de gloire tourné court.
 
 
Frères de guerre, de Catherine Cuenca, Flammarion jeunesse, 28 août 2011, Collection : FLAMMARION JEUNESSE, 205 pages, 6,10 euros, ISBN-13: 978-2081263192
 
 
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