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La Dimension du sens que nous sommes

FREEDOM SUMMER, luttes pour les droits civiques, Doug McAdam

8 Novembre 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

 

 

 

freedom-summer-copie-1.jpg1964. Les trois mois qui vont faire basculer l’Amérique : 959 gosses de riches vont adhérer au Summer Project, et descendre inscrire les noirs du Mississippi sur les listes électorales de l’état le plus réactionnaire de l’Union. 959 gosses de la Heavy League : Harvard, Yale, le M.I.T., plutôt libéraux politiquement, issues des familles les plus riches des Etats-Unis (c’était l’un des critères de leur sélection !), vont vivre chez l’habitant : les familles les plus pauvres des Etats-Unis. Ou dans des Freedom Houses, dans la plus grande promiscuité, qui vont très vite se transformer en phalanstère où la parole ne cesse de ciculer, où les sens ne cessent d’être sollicités, filles, garçons de bonnes familles soudain mélangés entre eux et avec les populations noires -et découvrir la liberté sexuelle. Ils vont se voir confrontés à l’extrême misère de populations toujours quasiment réduites à l’esclavage, en prendre la mesure, créer des écoles libres, des dispensaires libres, des maisons communes, et se heurter à l’extrême brutalité des blancs, que le KKK, toujours vivace, va déchaîner contre eux dans une haine totale. Libéraux, chrétiens, issus des familles les plus prestigieuses de l’Union, ils vont connaître la Terreur, vont se voir kidnappés, battus à mort pour une dizaine d’entre eux, se faire tabasser, le tout avec la complicité de la police de l’Etat cédant à l’arbitraire aveugle. Et moins d’un mois après leur arrivée, ils vont se radicaliser. Les courriers qu’ils envoient à leur parent en témoignent, alertant d’un coup par l’intermédiaire de ceux-ci, grands magnats de la presse, puissants capitaines d’industrie, l’opinion publique américaine (blanche) qui ne peut supporter de voir ses enfants battus à mort par une bande de fascistes furieux. De nouveaux volontaires débarquent, des communautés se forment, la rupture est totale avec leur ancien mode de vie et de pensée. Une grande partie des leaders de la contestation américaine va sortir du Freedom Summer. Trois mois. On kidnappe toujours, on bat toujours à mort, mais par centaines des journalistes descendent dans le Mississippi relayer les événements, faire une publicité énorme aux modes de vie expérimentés par ces jeunes étudiants blancs. L’Amérique n’en croit pas ses yeux. Une Nouvelle Gauche émerge, radicale, qui se rappelle soudain ses aînés communistes, réprimés dans le sang, se met à leur écoute dans ces communautés libres où l’on ne veut plus vivre comme avant. Les attentats à la bombe n’y font rien. Les volontaires restent et expérimentent dans la foulée de nouveaux discours politiques, culturels, idéologiques, un autre mode de vie sans classes, sans races, sans différences sexuelles. Et cette jeunesse réformiste au départ, idéaliste, met à bat non seulement le libéralisme américain, mais cette pseudo Gauche qui veut leur confisquer leur lutte. Ils étaient l’apogée du mouvement libéral américain, celui-ci s’écroule comme un château de cartes. Dans un an, le Black Power surgira. La violence change de camp. 1965 : les émeutes de Watts, à L.A., terrifiante réponse des blancs conservateurs qui enverront les chars dans les rues de L.A.

Il n’y a pas de changement possible sans violence révolutionnaire. C’est ce que nos volontaires ont appris.

Et c’est cette expérience qu’explore le livre. Une enquête sociologique menée des années durant. L’auteur a compulsé les archives, les lettres de motivation étonnantes de candeur au départ, et puis les courriers envoyés par ces gosses à leurs parents. Il a retrouvé les vétérans du Freedom Summer, a mené ses entretiens, décrypté les discours, les idées, les cultures, enregistré les trajectoires, les vécus, qui nous étonnent encore et nous éclairent sur ce tournant invraisemblable et la surrection de cette Gauche radicale. Trois mois. La création d’un réseau social à l’échelle des Etats-Unis, porteur d’un message qui allait transformer toute la jeunesse américaine. Trois Mois d'où vont surgir le féminisme, la contre-culture américaine, le mouvement hippie et les comités Viernam. Freedom Summer : le canevas d’une grande partie des mouvements des années 60.

 

 

Freedom Summer, Luttes pour les droits civiques Mississippi 1964, Doug McAdam, traduit de l'américain par Lélia Izoard, éd. Agone, coll. l'Ordre des choses, 474 pages, 26 euros, ean : 978-2-7489-0164-1.

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