Anatomie de l'oligarchie des marchés financiers
Il était une fois la crise… L’histoire est belle réécrite par super Sarko, pompier de la dernière chance, racolant ici, menaçant là, sauveur du système bancaire international qui passerait presque pour un sage à dénoncer la cupidité des marchés financiers, à promettre des régulations en feignant d’ignorer que la dérégulation fut l’œuvre des Etats, et à japper à qui veut l’entendre qu’il faut moraliser la finance, la bonne blague, quand on sait qu’on ne tient jamais de discours moral, en politique, que lorsque que l’on ne veut surtout pas tenir de discours politique !
L’histoire est belle, frottée à la ruse de l’idéologie néo-libérale qui aimerait bien que l’on croit que la tragédie que nous vivons n’est que le résultat d’un lancement hâtif de produits financiers mal maîtrisés et qu’il suffirait d’un peu de correction pour que tout aille mieux !
L’histoire est belle, d’un marché devenu subitement "fou", tout comme celle de ces cris d’orfraie le dénonçant, figure imposée désormais de la communication politique…
L’histoire est belle mais cousue de fils blancs. Et voici l’étude qui nous manquait pour en dévoiler l’hypocrisie dans toute son étendue, celle de Geoffrey Geuens scrutant de près les organigrammes de tous les acteurs des marchés de la finance internationale, ainsi que des oligarchies qui dirigent à la fois la marche politique du monde et celle des très grandes entreprises capitalistes. Et le résultat est consternant, car les noms qui circulent, des secrétaires démocrates de Bill Clinton à qui l’on doit le démantèlement des garde-fous installés après la crise de 1929, aux dirigeants cupides de Lehman Brothers restés depuis les fidèles mécènes d’Obama, en passant par le comité consultatif européen de ladite banque, où siège le français Edmond Alphandéry, offrent le panorama d’une oligarchie qui n’a cessé depuis dix ans de verrouiller son impunité…
A lire l’ouvrage, ces organigrammes indécents, ce que l’on découvre, c’est que la finance internationale dispose d’un vaste réseau de collaborateurs politiques qui sont devenus ses obligés appointés. Des conseillers grassement rémunérés, non seulement issus des droites les plus réactionnaires –ça, on l’imaginait volontiers-, mais des rangs des socialistes européens les plus convaincus, à l’image d’un Schröder conseillant la famille Rothschild, de l’équipe de DSK dévouée aux magnats de la finance à cette hallucinante Deuxième Gauche de Rocard, appointant dans les mêmes salons…
Qu’attendre, dans ces conditions, des incantations larmoyantes des uns et des autres en faveur d’un contrôle accru des institutions bancaires ? Qu’attendre quand blairistes, clintoniens, strauss-khaniens siègent aux conseils de surveillance des leaders mondiaux de la Haute finance ? Qu’attendre comme régulation des Hedge funds, quand un Alan Greespan rejoint Pimco, le principal bénéficiaire de la crise des subprimes ?
Qu’on ne nous dise pas que demain, l’encadrement des agences de notation sera renforcé : voyez qui conseille Fitch Ratings, ces proches de Giscard naguère, de Sarko aujourd’hui, tout comme d’Obama ou de Laurent Fabius…
Alors débarrassez-vous des analyses abstraites de la domination, jetez un œil sur ces organigrammes de la Finance Internationale, voyez qui siège et tente de nous imposer ses idées ruineuses pour les peuples, sinon mortelles. Voyez l’énorme compromission des médias, relayant cette pédagogie de la domination, pistez les têtes pensantes du social-libéralisme, tel Zaki Laïdi, collaborateur de Libé, orchestrant des confusions théoriques commodes entre capitalisme et néo-libéralisme, relayant toute honte bue la doxa conservatrice.
Que sont devenues en réalité nos économies ? L’économie américaine ? Un portefeuille géant. Le chef de l’Etat français ? Un homme d’Affaires au service de la fusion récente de la Haute banque avec la Grande industrie. L’Europe ? La Finance au pouvoir : c’est Denis Kessler, de BNP et Dexia, proche de DSK, ancien n° 2 du MEDEF, c’est Henri Proglio (Dexia et on en passe, cumulant à loisir), proche de Sarko, c’est le recrutement éhonté du personnel politique dans la faction hégémonique de la classe dirigeante. Et cela nous promet assurément un bel avenir, avec la complicité de médias stipendiés, travaillant dur à notre fin ! --joël jégouzo--.
La Finance imaginaire, anatomie du capitalisme : des "marchés financiers" à l’oligarchie, Geoffrey Geuens, éd. Aden, sept 2011, 356 pages, 25 euros, ean : 978-2-930-402062.