La France ? Une fiction de la classe politico-médiatique...
La France relève désormais de catégories fictionnelles.
Comment ne pas reconnaître, en effet, le caractère imaginaire des objets qui nous sont proposés pour "faire France" ?
«Je dois changer la réalité (…). Nous sommes responsables de cette perte de repères et de sens. (…) Ma priorité, c’est l’emploi. (…) Notre responsabilité, ce n’est pas de vendre de l’illusion mais de rendre l’espoir. (François Hollande, premier éditorialiste de France, le 18 septembre 2014)
Observez les "grands" médias emboîter le pas à cette fiction sordide. Mesurez leur degré de compromission à leur mouillage dans une pseudo réalité sociale tronquée. Relevez les indices textuels (pour faire savant) de la fictionnalité de cette actualité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que si le roman déploie tout une série de stratégies textuelles pour favoriser l'illusion référentielle, la société politico-médiatique en fait autant. Voyez comme elle produit cette fiction, goûtez la merveilleuse manipulation d’une vraie crise dont les conséquences ne portent que sur les plus démunis. Ecoutez Monsieur 20 heures à sa télévision, déversant ses mensonges dans une énonciation impeccable, escamotant les indicateurs qui pourraient faire sens. Que dire de ces bouffées énonciatives, sinon qu’elles jouent crapuleusement de l’effet de réel, mais que dans le même temps, c’est typiquement bâtir une fiction qui n’articule qu’un récit vandale.
Que conclure de cette journaille, comme l’appelait Karl Kraus, l’aboyeur autrichien, et du rôle essentiel qu’elle joue dans l’entreprise de démolition généralisée des populations françaises ? Rien, sinon qu’une caste acquise au maintien de l’ordre néolibéral précipite la France dans son chaos balourd. Aujourd’hui, la société politico-médiatique est une vaste conspiration contre toute espèce de vie sociale. Il nous faudrait reprendre les leçons d'un Kraus, à qui j’emprunte la formule, pour nous en sauver. A Kraus qui ne cessait d’alerter ses compatriotes, dans l’Allemagne des années 1930, sur la maîtrise gagnée par les nazis dans l’art de "faire passer la bêtise, qui a remplacé la raison, pour de la raison…". Kraus qui ne cessait de pointer l’horizon de cette entreprise de crétinisation : nous faire perdre le sens des réalités. Car lorsque le discours public ne sert qu’à proférer avec aplomb des arguments spécieux ou à rendre honorables des idées ignobles, ce qu’il y a au bout, c’est la mort collective.
Œuvres de Karl Kraus :
Les Derniers Jours de l’humanité — version intégrale, Agone, 2005
Les Derniers Jours de l’humanité — version scénique, préface de Jacques Bouveresse, postface de Gerald Stieg, Agone, 2000
La Boîte de Pandore, introduction à des textes de Frank Wedekind, Ludd, 1995
La Littérature démolie, essais, préface d’Elias Canetti, Rivages, 1993
Cette grande époque, essais, préface de Walter Benjamin, Rivages, [1993], 2006
Dits et contre-dits, aphorismes, Ivréa, 1993
La Nuit venue, aphorismes, Ivréa, 1986
Pro domo et mundo, aphorismes, Ivréa, 1985
Essais (sélectifs) sur Karl Kraus :
Karl Kraus, Cahiers de L’Herne, 1975 [épuisé],
Schmock ou le Triomphe du journalisme : la grande bataille de Karl Kraus, Jacques Bouveresse, Seuil, 2002
L’Universel reportage et sa magie noire. Karl Kraus, le journal et la philosophie, André Hirt, Kimé, 2002
Les Quarante-Neuf Degrés, Roberto Calasso, Gallimard, 1992
La Parole malheureuse, Jacques Bouveresse, Minuit, 1971
Référence électronique :
"Bibliographie en français ", revue Agone, 35-36 | 2006, [En ligne], mis en ligne le 15 septembre 2008. URL : http://revueagone.revues.org/489. Consulté le 27 mai 2010.
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