ENTRETIEN AVEC PIERRE CHOPINAUD, TRADUCTEUR DE MUZAFER BISLIM -5/5.
19 Novembre 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #entretiens-portraits
jJ : C’est quoi pour vous, la tâche du traducteur ? Voyez-y clairement une référence en la matière au texte superbe de Walter Benjamin !
Pierre Chopinaud : Je crois que la théorie doit suivre la pratique. Je n’ai pas lu de théorie de la traduction ni avant ni pendant ce travail. J’en ai lu après un peu pour vérifier certaine chose, certaines intuitions, des textes de linguistique aussi. Je fais moi-même en quelque sorte la théorie de ma pratique, disons, sur le champs, en découvrant des sortes des lois à mesure que j’avance que je ne généralise pas, mais systématise un peu au cours de l’avancée du chantier. Ces lois définissent une sorte d’idéal de ce qu’il faudrait faire ou arriver à faire, mais l’idéal a toujours tendance à s’écarter du réel. Ainsi je me fais une sorte de théorie pragmatique qui consiste plutôt des notes sur ce qu’il se passe tandis que le chantier avance, une sorte de carnet d’exploration. Mais je connais ce texte de Benjamin, qui semble lui-même un commentaire sur une pratique, et je m’accorde assez avec le privilège qu’il accorde, dans mon souvenir, à la forme sur le sens, et avec la recherche qu’il fait d’une sorte de métalangue messianique qui serait la langue propre de la traduction. Une langue inaudible et invisible et pourtant manifeste dans le passage du traducteur.
jJ : Comment travaillez-vous sur la phrase française des poèmes de Muzafer Bislim ? Que cherchez-vous à donner, à faire entendre, saisir, comprendre ? Comment se travaille cette matière poétique, vous qui l’entendez dans les deux langues en fait ? Et à quoi cela amène-t-il ? A retravailler une pratique poétique ? Et entre l’oral et l’écrit, où serait sa place ?
Pierre Chopinaud : Je fais d’abord une première traduction du son et du rythme seuls. Je ne pouvais pas d’abord faire bien autrement puisque le sens m’était complètement opaque et que sa reconstitution supposait un travail de déchiffrage très long. Donc je transcrivais dans des phrases françaises l’effet que produisais sur moi, ce que m’évoquait la sonorité de la langue, de façon très musicale. Cette première phrase française devait indiquer la couleur, l’atmosphère de la phrase finale. C’est donc bien la matière de la langue qui prime dans ces traductions. Puis, le sens déchiffré, je le réinjectai dans la phrase en m’efforçant de garder la base matérielle de départ : rythme et son.
Après le français a ses propres lois, et ces lois rythmiques, mélodiques, m’entraînaient dans certaines directions qui n’étaient pas forcément dans l’original, des lignes plus douces, plus mélodieuses.
Il y a une sorte d’oralité qui se dégage de l’écrit, bien que le texte soit silencieux, sa musique doit être entendue. La pratique poétique est donc intermédiaire.
jJ : Où en êtes-vous de sa publication en France ?
Pierre Chopinaud : Des textes sont parus en traduction dans plusieurs revues importantes. J’attends à présent le manucrit d’un roman sur lequel il travaille depuis plusieurs années, qu’il est en train d’achever, en langue Macédonienne, pour le traduire, et m’occupper de sa publication.
entretien 1 : http://joel.jegouzo.over-blog.com/article-entretien-avec-pierre-chopinaud-traducteur-de-muzafer-bislim-1-5-61001467.html
http://joel.jegouzo.over-blog.com/article-muzafer-bislim-langueur-angor-60933804.html
image de Pierre Chopinaud, collection personnelle du traducteur, la maison de Muzafer Bislim
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