ELITES FINANCIERES VERSUS ELITES INTELLECTUELLES
2 Décembre 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #IDENTITé(S)
Rien ne va plus dans le camp des élites. Naguère structurées par le modèle du Courtisan dont Baldassar Castiglione avait définit avec talent les usages et les formes, aujourd’hui, un nouveau type d’élites émerge, qui se moquent éperdument de ce vieux modèle poussiéreux du courtisan disert, celui des élites de la finance. Des élites moins obséquieuses (l’obséquiosité était le fait des élites culturelles) que brutales, cyniques, impudentes. Et le monde de l’art et de la culture ne s’y est (presque) pas trompé, qui depuis l’élection de Sarkozy s’est plus fortement mobilisé que dans les vingt décennies précédentes, contre l’anti-intellectualisme de l’Etat français. Un anti-intellectualisme évidemment plus particulièrement affiché par notre cher Président, décomplexé au possible, et de loin le plus inculte de tous les présidents que toutes les républiques françaises aient produit… Un président qui n’aura eu de cesse de ridiculiser la langue française, l’esprit français et sa culture. Il est piquant, de ce point de vue, d’observer dans le même temps que ce désarroi des intellectuels se sera d’abord traduit par une véritable curée aux prébendes, en ralliements plus pitoyables les uns que les autres, pour s’assurer chacun une part de la plus méprisable gaufre que l’histoire de la petite cuisine gouvernementale à la française ait fourbie… Le Président bling-bling au parler douteux, à la culture étriquée, si ouvertement méprisant à l’égard du savoir et de l’expertise scientifique, plus particulièrement quand il s’agissait des sciences sociales et humaines, aura ainsi largement aidé nos élites intellectuelles à conjuguer le grotesque au scandaleux, dévoilant au passage –c’est son seul mérite- leur peu de crédibilité… Sarkozy, la médiocrité française incarnée, triomphe absolu du philistin aura dans le même temps permis à ces pseudos intellectuels de passer pour perte et profit les inégalités culturelles, qui se sont spectaculairement creusées ces vingt dernières années.
Ce divorce entre les élites de savoir et les élites de pouvoir, pourtant, affirme Philippe Coulangeon dans son dernier essai, est au fond une aubaine. Car la violence symbolique de la culture est toujours plus difficile à contrer, tant elle paraît plus acceptable que la violence de l’argent. En gros, la ploutocratie serait préférable à la distinction, du point de vue des luttes sociales. Si bien que ce divorce pourrait se traduire par une vraie opportunité : le desserrement des arguments symboliques de la domination pourrait laisser filtrer de nouvelles révoltes qui, elles, auraient enfin des chances de réussir. La domination de l’argent roi, moins sournoise que celle de la culture, est en effet un accélérateur de révolte. Sans doute. Reste à méditer sur la domination par la culture, sitôt l’effet ploutocrate gommé. --joël jégouzo--.
Philippe Coulangeon, Les métamorphoses de la distinction. Inégalités culturelles dans la France d'aujourd'hui, Paris, Grasset, coll. " Mondes vécus ", 2011, 168 pages, 15 euros, ean : 978-2246769712
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