Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Dimension du sens que nous sommes

Echec scolaire – La grande peur (nationale)…

25 Avril 2013 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

 

echec-scolaire.jpg250 000 enfants sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme. Ni bac, ni brevet, ni BEP, rien. Ce chiffre émane du Ministère de l’Education Nationale, mais il n’est pas public. Les médias préfèrent diffuser celui de l’INSEE, établi sur un mode de calcul qui en minimise l’ampleur.

250 000 élèves donc, qui n’ont pas échoués : l’école n’a pas su les faire réussir. Ou n’a pas voulu.

250 000… Au seul énoncé de ce chiffre vertigineux, on comprend bien que la cause ne peut être que politique, au-delà de la nécessaire explication sociologique. Mais l’ouvrage, cette fois encore, n’en dit mot et préfère, exactement comme le fait le Ministère de l’Education Nationale, détourner pudiquement sinon honteusement, son regard du caractère politique de cet échec. Et cette fois encore, on croit pouvoir s’en sortir en faisant in fine porter le poids de cet échec par les familles, sinon les élèves eux-mêmes… L’approche demeure exclusivement psycho-pédagogique. On cherche des réponses à apporter aux plus "fragiles"… 250 000 !… Une paille ! 250 000 à qui l’on va s’amuser à dire que pour réussir, il faut "être bien à l’école". Certes…

La réussite des enfants relèveraient donc d’un effort collectif (mais non politique), associant parents, éducateurs, professeurs et élèves… Le tout débouche sur un petit guide à l’usage des familles… Comment les appeler, ces familles inquiètes, mais intéressées encore à la réussite de leurs enfants ?… Des familles "normales" peut-être, à l’image d’un Président "normal"… Des familles décidées à faire en sorte que leurs enfants s’en tirent –mais individuellement s’entend.

La réussite donc, dans cette perspective, est d’abord une affaire d’excitation. Et l’ouvrage de rendre compte des dernières avancées des neurosciences sur la question, scrutant les processus cognitifs non sans intérêt, dans leurs relations aux émotions, pour témoigner d’un découplage auquel notre système éducatif ne serait pas assez sensible.

A présidence normale, école normale… Faisant fi des conditions sociales et politiques des conditions d’apprentissage, on s’interroge donc sur le type d’intelligence qui est à l’œuvre à l’école. Avec au passage cette question posée comme par mégarde : pourquoi les enfants d’enseignants réussissent-ils mieux que les autres ? Ben… Parce qu’ils ont les clefs mon Capitaine… Ils connaissent les réponses physiques, psychologiques, cognitives, émotionnelles et intellectuelles qu’il faut apporter à leurs professeurs pour réussir, ils connaissent le système d’évaluation proposé et les justifications qu’il convient de lui fournir… (L’école n’évalue que ce qu’elle sait évaluer).

Bien évidemment, l’ouvrage n’est pas inutile, qui met cette fois encore en accusation un système destiné à extraire des élites, au détriment de l’immense masse de ses élèves qu’elle ne songe guère à instruire, à la vérité. Un système dont la notation est le bras armé, destructeur psychologiquement. Qu’importe l’extrême diversité des mémoires, des intelligences. Qu’importe l’existence d’autres manières d’évaluer, celles de ces pays du Nord de l’Europe par exemple, dont les résultats en terme de savoirs effectivement transmis sont bien supérieurs aux nôtres et qui ont bâti toute leur approche sur la confiance de l’élève en lui-même. Qu’importe ces études médicales qui révèlent qu’en France, un élève sur deux a le ventre noué quand il franchit les portes de son école. Qu’importe le niveau hallucinant d’absentéisme dans les écoles françaises, ainsi que le déplore le Ministère. Qu’importe que la pratique de la lecture, en milieu scolaire, se soit littéralement effondrée ces cinq dernières années en France, selon une étude que le Ministère, toujours et encore, tarde à révéler. De toute façon, il semblerait bien qu’au-delà d’une agitation de surface, l’on ne veuille pas agir réellement. Peut-être la France socialiste a-t-elle résolu, en bonne élève appliquée, de suivre à la lettre les recommandations récentes de l’OCDE, prenant acte du fait que la mondialisation des échanges n’ouvre qu’à la précarité d’emplois non qualifiés, conseillant de ce fait aux pays développés des coupes sombres dans leur budget d’éducation : pourquoi former en effet des jeunes instruits, quand on sait qu’ils n’auront que des tâches balourdes à accomplir ?

La pratique de la lecture donc, dans cette perspective… Une chute vertigineuse ces cinq dernières années. Encore que : le détail vaut la peine qu’on s’y arrête, car il dit tout de cette absence de conscience politique de l’Instruction Publique. Les milieux populaires ne lisaient pas beaucoup, ils ne lisent plus. Les classes moyennes lisaient un peu, elles ne lisent pratiquement plus. Les enfants de cadres moyens lisaient davantage, ils ne lisent que très peu désormais, et du digest de préférence. Seuls ont résisté à cette érosion les enfants des cadres supérieurs, qui continuent de lire beaucoup, et qui sont aussi ceux qui "réussissent le mieux", squattant les bancs des classes prépas –parenthèse, le Ministère reconnaît de ce point de vue le total échec de l’instruction publique : les inégalités se sont renforcées depuis une bonne vingtaine d’années, l’école du mérite n’existe pas.

Emplâtre sur une jambe de bois, il resterait donc la piste de la didactique pour contrer ces inégalités. Et la connaissance d’une sociologie efficace de la lecture. Certes, il n’est pas inutile de connaître les conditions qui transforment nos bambins en lecteurs cultivés : qu’ils soient d’abord confrontés à des actes de lecture. Des parents sans livres, ça ne donne à l’évidence pas des enfants lecteurs… Des enfants à qui l’on n’a pas transmis le goût des histoires non plus. Tout comme l’étude révèle qu’il faut les exposer à la démultiplication des types d’écrits, et les reconnaître dans leur statut de lecteur. On oublie simplement que si le désir d’apprendre est d’abord le désir d’appartenir à un groupe, au sein duquel l’enfant a besoin d’être reconnu dans l’élaboration d’une pensée collective, lui qui est apte, très tôt, "à se mesurer au vertige souverain de la pensée humaine", cette appartenance est très clivée, dans un pays tel que le nôtre…

 

Echec scolaire – La grande peur, de Julie Dupin, Editions Autrement, avril 2013, coll. ESSAIS-DOCUMENT, 152 pages, 18 euros, ISBN-13: 978-2746734432.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
É
Merci pour le conseil de bouquin ! sur la liste de mes prochaines lectures (je suppose un must-have pour les parents d'enfants difficile...)
Répondre