DU DESIR D’ELEGANCE 2/3 (suite toscane 7)
4 Octobre 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #DE L'IMAGE
Une Bella Donna se faisait élégante dans le miroir d’une banque italienne, occupant tour à tour sa place et une autre, invisible, laissant tantôt nos regards s’épuiser en vaine admiration, tantôt les sollicitant et suscitant l’œil qui cherche à voir et qui nous met en scène.
Pourquoi ai-je vu quelque chose, du reste ? Ce qui poussait à voir, à désirer voir, c’était elle, cette femme au souci d’être élégante, cherchant du regard dans le regard qu’elle posait sur elle, l’observateur obscène, dissimulé dans un pli de pensée, l’inquisiteur de toutes les élégances, placé au centre de cette curieuse scène.
Un personnage encombrant qui l’observait, encourageait un geste, dissuadait une pose, avec derrière la tête des idées bien arrêtées sans doute, sur la cambrure des reins, le plat du ventre, la courbe des seins.
Autour de ce dispositif scintillait les éclats de ce personnage absent, une multitude d’autres peut-être, piégés dans ces regards multiples qu’elle savait porter à présent sur elle, ceux du désir, de l’envie, son corps sous tous les angles.
Qu’est-ce qui pousse à voir ? A se montrer ?
Quand on veut se faire belle, qu’est-ce qui pousse à voir ? Ce complice intrigant guettant une courbe ? Je vis sa main passer sur son ventre, en évaluer le plat.
Comment fabrique-t-on une image désirable de soi ? Pour montrer quoi ? A qui ? Quel objet vise l’œil ? Mais surtout : quel désir fait retour dans ce regard sur soi, qui l’avait brusquement arrêté dans son cheminement au pied de la Banque ?
Peut-être référait-elle plus ou moins innocemment à un autre quelconque et imaginaire ce regard tout de même sexuel qu’elle qualifiait dans sa mise, et que pourtant, elle n’osait trop poser encore sur elle… Mais pour prendre qui et à quel piège ?
Jusqu’à ce que le regard d’un autre peut-être, se décide à paraître -mais sur un mode infiniment plus sensible cette fois.
Un drôle de pari que celui de se montrer désirable. Une épreuve, que celle de l’élégance, au terme de laquelle il faudra avoir ramené dans ce dispositif visuel le regard de l’autre, n’importe quel autre en plus du regard espéré, sous peine de ne pouvoir se sauver de la destruction narcissique qui menace chaque fois qu’il est question de soi dans le miroir.
Traverser ce miroir de l’élégance et du désirable, la condition d’une survie à soi, plutôt que de s’y enfermer –encore que, parfois, cette prison rassure, de découvrir que l’on peut vivre dans l’horizon de son seul désir de soi, pourvu que l’on ait fait sien le regard de l’autre…
Mais le regardeur, que devient-il une fois la tâche accomplie ? Renvoyé à son voyeurisme séminal, de quel plaisir, de quel désir lui autorise-t-on les compliments qui ne peuvent pas ne pas revenir à l’élégante ? Qu’il regarde, désire dans le secret de sa propre épreuve le désir qui vient de surgir, que l’élégante vient de faire surgir et d’imposer comme condition de l’accès à son être. A imposer que l’on fasse pareillement front à la figure du désir, ne sollicite-t-elle pas toujours en nous cette pulsion scopique incroyablement puissante ? --joël jégouzo--.
images : Andy Warhol, eyes wild shut...
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