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La Dimension du sens que nous sommes

LE TIERS-ESPACE : LE METIS, OU LE PROPRE DE L'IMPROPRE...

30 Mars 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

Bhabha.jpgDans l'entretien accordé à Jonathan Rutherford autour de son concept de "Third Space", Homi Bhabha actualisait avec conviction la distinction capitale entre le concept de diversité et celui de différence culturelle, en soulignant que la notion de diversité avait pour principal effet de contenir la différence culturelle à l’intérieur d’un horizon hégémonique subsumant l’autre sous les traits du même.

Un recyclage en quelque sorte, de pseudos différences à la manière d'un musée exotisant l'autre pour ne pas en accepter l'altérité, sinon dans cette distance de l’exotique, qui la ré-enferme dans l’horizon identitaire par le biais d'un acte "civilisateur" hypocrite.

A l’opposé de cette conception d'une culture littéralement  muséographique, la notion de différence culturelle, comme voulait l'entendre Bhabha, prétend articuler des lieux de production et non de reproduction, où la culture pourrait enfin se construire en différences et non en nuances, "in the spirit of alterity or otherness". Mais bien évidemment, Bhabha soulignait dans le même temps qu’aucune culture n'était "full unto itself", non pas uniquement parce que toujours poreuse aux autres cultures qui malmènent son autorité, mais parce que, dans ses conditions de possibilités même, il n’existe pas de moment séminal qui en constituerait les origines. Toute culture est toujours, déjà, le résultat d’un processus complexe d’hybridation démentant l’idée d’une origine localisable, fermée sur elle-même.

C’est la raison de la formation, chez Homi Bhabha, du complexe de «tiers espace», qu’il substitue à la notion d’identité culturelle plénitudinaire, nous obligeant à repenser nos catégories culturelles dans l’horizon d’une problématique nouvelle, celle de la traduction, où les questions de culture se voient heureusement déplacées vers d’autres espaces intellectuels, celui de l’hybride en particulier : "[...] for me, the importance of hybridity is not to be able to trace two original moments from which the third emerges, rather hybridity to me is the 'third space' which enables new positions to emerge".

Il est donc vain, comme le pratiquent les musées, de vouloir isoler les cultures les unes des autres, tout comme il est vain, dans d’autres domaines, de vouloir séparer le propre de l’impropre. La logique de la vie sociale est celle de l’hybride. Isoler une communauté en tentant de la réduire à quelques traits spécifiques est non seulement vain, artificiel, mais coupable, car trahissant à tout le moins la volonté de confiner les cultures pour mieux exclure celles dont l’influence pourrait être jugée néfaste. Territorialiser les cultures ne trahit en fait rien d’autre qu’une volonté d’exclusion. Assigner ouvrant moins à la reconnaissance de traits de caractères culturels spécifiques, qu’à la tentation de s’accrocher becs et ongles à l’affirmation forcenée, commodes et suspectes, de l'existence d'identités culturelles.

 

Homi K. Bhabha. The Location of Culture. London/New York: Routledge, 1994.

Homi K. Bhabha. "The Third Space" in Jonathan Rutherford (ed). Identity. Londres: Hayward Gallery, 1990.

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