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La Dimension du sens que nous sommes

Denis Lalanne, Le temps des Boni

25 Mai 2013 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant

 

Boni.jpgLes frères Boniface. Superbe page du rugby français !

Les années 50, 60, les années twist, rock, Kopa, Anquetil…

"C’est l’histoire de deux cow-boys", annonce Denis Lalanne. Fin 45, le père prisonnier d’un stalag. Ça commence comme ça : deux enfants débordant d’impatience, n’en peuvent plus de se sentir pareillement désarmés devant la nuit allemande. Ça commence comme ça : la course éperdue d’un gavroche rasant les murs. D’un enfant qui court la nuit sous l’Occupation, rapporter à sa mère de quoi nourrir les siens. Dédé. Il a 11 ans. Il s’émerveille des muscles qui lui viennent. Bientôt sur les rails d’un chemin de fer de campagne, Dédé est rejoint par son frère. Deux gamins frondeurs défient le train qui fonce sur eux. C’est à celui qui décampera le dernier. Alors le train freine, s’arrache dans une gerbe d’étincèle pour venir se coucher à leurs pieds. Quelle biographie signe Denis Lalanne ! Dédé, 11 ans. Guy, 9 ans. Deux gamins défient le monde, fort de leur recette imparable : être deux. Et c’est tout l’esprit du rugby qui nous est révélé dans cette simple observation. Deux gamins solidaires, mordant la vie à pleine dents. Deux galopins qui vont bientôt aimer le rugby comme des malades et nous offrir des saisons de folies. Les deux Boni vont faire "voler, danser le ballon, chanter le jeu". Bientôt leur nom sera comme le rêve d’un rugby qui ne peut s’éteindre, le rugby "de bohême" affirme Denis Lalanne, "humble, sain, fraternel". Le rugby des chaumières, des villages, l’école des braves, le rugby des bandes de gamins, des copains qui se font une balle ovale de n’importe quoi, d’une "guenille" pour se livrer à leur plaisir "bambocheur". Un rugby de grandes gueules où le jeu commande et l’arbitre suit le mouvement. Ce rugby dont le jeu est "au-dessus des joueurs", né d’un bras d’honneur aux institutions quand William Webb Ellis décida de se saisir un jour de la balle à deux mains, au mépris des règles de la Public School, pour faire naître le rugby de sa mutinerie de coquin d’irlandais. Porté aux quatre coins du monde, il nous offrira, en France "ses emballements de gamins des barricades". C’était cela les frères Boni, nous conte Denis Lalanne dans une écriture traversée par l’inspiration et la beauté d’un geste qui n’en finit pas de surprendre, comme ce 16 mars 1991 nous dit Lalanne, dans ce splendide essai initié à Twickenham par Serge Blanco, un essai de 100 mètres rappelle-t-il, que les anglais applaudissent toujours aujourd’hui. Mémorable rugby qui troue de part en part le petit écran médusé et qui ne cesse de revendiquer la passion pour seul horizon, celle, anarchique, des frères Boni, excessive, roublarde parfois, complice toujours, dans cet instant essentiel qu’est le rugby, où l’on ne peut être génial sans les autres. Quelle histoire du rugby finit par nous livrer Denis Lalanne, la sienne bien sûr, mais que beaucoup feront leur au travers de ce texte magnifique vantant l’échappée belle des Boni à l’assaut, toujours, explosant à la prise d’une balle que leur passion dévore.

  

 

Le temps des Boni, Denis Lalanne, La Table Ronde, coll. Vermillon, 25 octobre 2000, 384 pages, 19 euros, ISBN-13: 978-2710323778.

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