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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 05:17

 

bokov-baltique.jpgRiga. Trois hommes en noir prennent place dans une voiture, noire. Une Volga. Le monument à Lénine tend son bras vers l'Est, quand tout l'Occident se tourne d'un même mouvement vers l'Ouest. Bruits étouffés, paroles chuchotées. Ne pas laisser de traces. Jamais. C'est comme vouloir regarder le monde à travers la vitre d'un train de banlieue. Dans les années soixante-dix, la Russie n'offrait guère que le visage haineux ou résigné des soviétiques. Silences. La Baltique comme un fragment usé d'ambre jaune. Un paysage désert dans lequel les êtres ne se rencontrent pas, ou furtivement. Nicolas Bokov ramasse des lambeaux de sa vie, d'une écriture rêche, presque frustre. Il découpe des scènes infimes dans un théâtre d'ombres. Les animent sans ostentation. Les contours d'un homme assis, ses gestes minuscules pour survivre. Les formes s'éclairent tour à tour, qu'il commande d'une voix lasse, comme un montreur désabusé. Puis les silhouettes s'immobilisent, figées dans le mémorial de ses souvenirs. Derniers instants du dissident avant l'exil. La femme qu'il aime en contreplongée. Une poétique de l'effacement. De son inscription dans l'écriture même, attentive aux détails les plus modetes. Sans tenter jamais d'ajouter autre chose au ciel plombé d'angoisse des appartements moscovites. On se rappelle l'ouvrage poignant qu'il écrivit en 1998 : Dans la rue à Paris. Il relatait alors son expérience de SDF, avec cette force étrange de l'être acculé. Nicolas Bokov vit toujours à Paris, et continue d'écrire.

 

Déjeuner au bord de la Baltique, Nicolas Bokov, traduit du russe par Maya Minoustchine, éd. Noir sur Blanc, coll. Littérature étrangère, septembre 1999, 96 pages, 15,15 euros, ISBN-13 : 978-2882500779.

 

 

 

 

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