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La Dimension du sens que nous sommes

DE LA VIOLENCE DES PETITS BLANCS D’AMERIQUE -UN LONG SILENCE…

7 Mars 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant

mikal-gilmore.jpg1976. Gary Gilmore est emprisonné. Pour meurtre. Il exige que l’Utah rétablisse la peine de mort. De fait, il sera bientôt exaucé et… fusillé. Cinq balles. Dans la poitrine. Son frère cadet enquête. Des années plus tard il s’empare de nouveau de cette histoire. De son histoire. Comment en est-on arrivé là ? Il enquête sur son frère, sa famille ivre de haine, tout droit sortie d’un roman de Faulkner, avec ses petits blancs repus de misère, d’humiliation et de violence. L’histoire se dessine peu à peu. Non sans mal. C’est que Mikal, devenu rédac chef de Rolling Stone Magazine, ne veut pas expliquer, mais raconter. Montrer. Les années 50, une ville américaine moribonde avec sa voie ferrée à l’abandon, qu’aucun train ne semble avoir jamais empruntée. Une ville de revenants. De moribonds. De brutes. De brutes qui meurent de maladies agressives. Alcool, tabac, cancers expéditifs qui vous cognent jusqu’au plus profond de la nuit. Une Amérique obscure, réfugiée chez elle, éternellement. Une histoire dont on sent le poids aujourd’hui encore. Et sa difficulté à raconter la genèse de cette violence, de ce trop plein de violence. Des meurtres, toujours, partout, dans chaque maison, chaque famille. Que Mikal ne veut pas chercher à comprendre, mais montrer. Il y en a trop de toute façon, pour que cela puisse faire sens. Trop d’incompréhension. De tous devant tous. "Je suis le frère d’un homme qui a assassiné des innocents". Condamné à mort en 1977. Cela faisait dix ans qu’il n’y avait pas eu d’exécution. Mais lui, le condamné, avait su convaincre la résistance des autorités. Norman Mailer en fit une histoire –Le chant du bourreau. Et lui, Mikal, le frère du condamné, tente à présent d’écrire l’histoire des origines de cette violence. Celle d’une Amérique profonde. Celle des petits blancs d’Amérique. Faulkner. Une histoire de fantômes. De gamins habillés en cow-boys, mais armés de vrais pistolets. Un autre espace-temps. Une histoire qui est aussi celle des Mormons. Une population égarée, décimée, persécutée, qui a cru ne devoir son salut qu’à la violence qu’elle mettrait à survivre. Une population, la sienne, les siens, qui a tout au long de son histoire cultivé la fatalité du meurtre, nous dit-il. La culture du meurtre. Le livre du Mormon en toile de fond. Bible familiale. Mille ans de violence. D’une tribu aux origines bibliques, embarquée sur un bateau de fortune, une arche sans alliance, voguant jusqu’en ces terres nouvelles pour croire en un quelconque destin aussitôt biffé par la mort prématurée de son fondateur, confiant sa succession au cadet de la famille, au mépris du tourment des aînés, jaloux, qui n’auront alors de cesse que de vouloir se venger contre ce frère préféré… La violence depuis. Jusqu’à celle de Dieu les condamnant à avoir l a peau rouge… La guerre entre les familles. La violence comme principe purificateur. Non la confession des péchés : la violence. Et le Livre du Mormon que Mikal tient en main et qui projette la vision d’une Amérique en proie à la destruction, à la folie meurtrière. En guise de terre promise, une terre soumise à la peur et à la violence. Au souvenir des années 1830, celles de la grande répression des Mormons, chassés des villes qu’ils avaient construites par des milices d’Etat féroces qui les incendièrent, violèrent leurs femmes, assassinèrent leurs enfants. Des milices blanches. Qui les gavèrent d’une violence inextinguible. Dont jamais ils ne purent se rassasier…

 

Un long silence, Mikal Gilmore, traduit de l’américain par Fabrice Pointeau, éd. Sonatine, févr 2011, 565 pages, 22 euros, ISBN-13 : 978-2355840517.

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