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La Dimension du sens que nous sommes

DE LA POSTURE DU LITTERATEUR VAUTRE AU TOURNANT NATIONALISTE…

11 Novembre 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

jeunes-gens-aujourd-hui.jpgLa littérature comme dimension du sens, voilà ce qui nous fait le plus défaut. Les écrivains ne sont plus occupés que de leur posture –évidemment pas tous, mais l’exagération, ici, ne s’écrit pas sans quelques raisons. Ils écrivent donc vautrés ("mon livre le plus facile"), et nous devrions les lire affalés. En attendant les lendemains de bringue, féroces, nécessairement : la faillite de ce système. Vautrés… Pseudos martyres, enfants terribles, incompris, rebelles de pacotille, des us qui relevaient jadis d’un engagement, dévoyés et recyclés dans l’esprit de la farce bourgeoise. En guise d’aboyeurs, nous avons des miauleurs. Pseudos libertaires de droite, dans la noble filiation célinienne prétendent-ils, quand ils ne font qu’entonner leur sotte louange. Leurs provocations ? Une fiction. En collection Blanche (Wasp). Un anticonformisme de pacotille qu’ils préfèrent à la contestation militante, laquelle pourrait, sait-on jamais si quelque révolution venait à se faire jour, abolir leurs pitoyables privilèges et s’énoncer dans leur vie comme un calvaire. Ne parlons même pas de littérature engagée, il n’y a plus d’instinct pour cela. Se prostituer au marché (accessoirement du livre), voilà le dernier mot d’ordre à la mode.

Aujourd’hui, la société politico-médiatique est une vaste conspiration contre toute espèce de vie sociale. Le populisme noir des années de l’entre-deux guerres paraît de nouveau taillé à notre mesure ! Aucun chemin parcouru dirait-on. Le populisme pour ultime vérité d’un Peuple introuvable. D’un Peuple que l’on ne veut pas trouver. Une pathologie intellectuelle et sociale terrifiante pour bilan, où le monde des citoyens de la France d’en bas a lentement pourri. La France d’aujourd’hui ? Une foule tragique qui somnole. Du sommeil de la défaite voudrait-on nous faire croire. Une foule sans légitimité donc, forclose dans ses gestes de désespérée, qui ne rencontre pour écoute que la vindicte de politiques en proie eux-mêmes à leur manque de légitimité. Un vrai crime pour exclus. Un vrai crime d’Etat, ce dernier ayant depuis belle lurette tranché : qu’on se le dise, il ne protègera que certaines vies, définies sous le manteau de cet ensemble social qu’est le milieu politico-médiatique.

Cette amoralité sordide ne veut accepter l’interférence d’aucune éthique. Et voudrait nous contraindre à entériner son option morale : il n’y a rien de sacré dans la vie humaine. Tenez : quel journaliste s’indignerait réellement du scandale de la misère en France ? Quel journaliste s’indignerait réellement du racisme de tel ou tel écrivain ? L’horreur est donc à venir. C’est peut-être notre seul avenir commun. Il suffit de porter la main à l’oreille pour l’entendre croître sous la précarité de masse, qui est aujourd’hui le vrai destin de la France. Plutôt que ce tournant auquel on voudrait nous faire adhérer : le tournant nationaliste que nombre d’intellectuels ont embrassé avec enthousiasme et qui n’est pas sans rappeler le tournant nationaliste de ces mêmes élites dans les années 1910… Une page peu glorieuse de notre histoire, qu’il vaudrait mieux relire pour servir par exemple de leçon, à l’approche des présidentielles de 2012.

Il est vrai que l’idée nationale est une vieille connaissance des intellectuels français. Prenez ces années du début du siècle passé : il n’était pas jusqu’au débats artistiques qui n’aient été contaminés par la gangrène nationaliste. Le débat sur le Symbolisme par exemple, prenait largement appui sur des fondements nationaux. Et dans le champ scientifique ce n’était pas mieux, sous couvert d’une saine rivalité entre l’esprit français et le manque d’esprit des autres nations. Prenez Pasteur et ses élèves, patriotes à l’envi. Relisez leurs discours qui avaient pour objet d’honorer la science française, convoquez la controverse sémantique autour du terme de microbie que Pasteur défendait becs et ongles contre le terme allemand de bactériologie. Reprenez les disputes sur le choix des langues de Congrès, comme à Heidelberg, en 1911, à propos de l’usage de l’allemand.

L’idée nationale… Une vieille grimace, assurément. L’histoire d’un complexe en fait. Que l’on a voulu faire passer pour une dynamique sociale, politique, intellectuelle, thématisée dans la fameuse enquête d’Agathon (1910). Un montage plutôt que l’enquête annoncée qui, elle, prétendait recueillir le sentiment de jeunes garçons de 18 à 25 ans sur leur relation au monde –encore ne s’agissait-il que d’interroger l’élite khâgneuse ou normalienne. Un montage fabriqué avec la complicité des écrivains les plus en vue de l’époque, et qui n’avait retenu que les voix porteuses du sentiment national. Une manipulation. Diffusée à grands fracas, promue, commentée, relayée par toute la presse disponible qui n’avait plus alors en tête que de convertir le Peuple français à son nationalisme étroit… On a vu ce que ça a donné… Mêmes montages aujourd’hui, même classe d’intellectuels se gobergeant dans l’idée nationale. Mêmes échos massifs pour relayer une seule voix dans l’espoir qu’elle parvienne bientôt à dominer tous les possibles. Et dans le tempo médiatique, même diffusion complaisante des discours ouvertement racistes, discours qui prolifèrent, contaminent tout le corps social. Et nos écrivains, qui hier encore tentait de masquer comme ils le pouvaient leur position de classe en essayant de nous faire croire qu’ils étaient en dehors des classes, à occuper une position intermédiaire entre le Ciel et l’Enfer, nos écrivains de se rappeler subitement leur histoire dans son exact surgissement, au fond, celle d’une alliance qui leur profita bien, à se placer dans le sillage des nantis : la bourgeoisie ne parvint en effet à harmoniser ses valeurs avec celles des aristos qu’avec l’aide de cette cléricature nouvelle qui émergea alors : celle de l’écrivain. Des écrivains qui peuvent aujourd’hui toucher leurs dividendes sans scrupules, en se fichant même de la littérature comme d’une guigne, une littérature qui, du reste, n’a peut-être plus lieu d’être "nationalement" – les relations entre la société, la vie intellectuelle et les sensibilités publiques ne passant peut-être tout simplement plus par le livre, mais à travers des institutions nouvelles qui ne demandent qu’à surgir enfin au grand jour, comme, dansd leur versant négatif, cette grande fête civique qu’on nous prépare, de pogroms anti-arabes.

Nous assistons au fond peut-être à l’avènement d’un nouveau pouvoir spirituel en France. Qui saura confisquer la doctrine de l’enthousiasme des mains des littérateurs d’autrefois. Car déjà, la mission des littérateurs vautrés n’est plus celle du XVIIIème siècle Révolutionnaire, quand la littérature se voulait militante, porteuse de convictions pour assurer la vie et lui montrer le chemin. La foi de l’homme de Lettres s’est désagrégée, l’éducation sensible du genre humain ne signifie rien pour lui. Exit cette littérature qui s’identifiait à l’honneur de l’Esprit, au pouvoir de former des sensibilités nouvelles, à la passion de la disputatio. La littérature ne poursuit désormais que ses moyens, et elle est devenue ce genre de littérature qui ne vise pas l’inventio, mais l’elocutio. –joël jégouzo--.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5729391w.swfv.f6.langFR

Enquête d’Agathon (1910), publiée par Alfred de Tarbes et Henri Massys dans L’opinion (1912), puis sous forme de volume en 1913 : Jeunes gens d’aujourd’hui.http://www.archive.org/details/lesjeunesgensdau00mass

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