CRISES ? (à propos d'une parution des éditions Parenthèses)
Robert Castel, Olivier Mangin et j’en passe, convoqués par une association pour disserter sur le concept de crise à l’occasion de celle que nous vivons toujours, inaugurée en 2008 par les milieux de la Finance. Approche pluridisciplinaire, beaucoup de philosophie, un peu de sociologie, l’incongruité d’un éclairage de physicien pour parler de la notion de crise là où, à tout le moins, les mathématiques appliquées à l’économie auraient été plus décapantes… Et in fine, quasiment pas d’économie (!), contrairement à ce que l’on était en droit d’attendre… Le tout pour un résultat ahurissant de mièvreries oiseuses, le livre le plus inutile qu’il m’ait été donné de lire sur pareille question depuis des lustres –ceux du tournant du siècle au demeurant, où l’on débattit beaucoup de civilisation, d’une crise du sens sur laquelle nous devions réfléchir sans trop nous focaliser sur la montée en puissance de la domination financière qui déstructurait le capitalisme contemporain… Beaucoup de métaphysique donc, et d’approche existentielle, très loin du niveau d’un René Guénon tout de même, et de son essai La Crise du monde moderne, le concept grec de krisis à la rescousse pour nous éclairer, imaginez le peu, sur la bombe des Subprimes -vous parlez d’un éclairage ! Seul Robert Castel sent bien combien l’approche est décalée, vaine, pour ne pas dire hébétée. On le voit embarrassé de se trouver dans pareille galère intellectuelle, se mettant à ressasser une vieille histoire de la sociologie critique, des origines à nos jours, pour conclure qu’on en a toujours besoin quand même, mais qu’il faudrait sans doute la rénover, sans trop savoir au demeurant comment la rénover, sans proposer sérieusement de pistes, sans horizon autre qu’un aveu personnel de quasi impuissance, donnant in fine son sentiment sur la situation présente plutôt qu’ébauchant les outils conceptuels qui nous permettraient de penser cette fameuse crise… Les autres sont pires, qui nous repassent le plat mille fois réchauffé de la peur du grand siècle : celle de la mondialisation… -on croyait le mot épuisé-… Pour pourfendre comme on le faisait avant le XXIème siècle, la tentation de l’irrationalité et le sentiment de la catastrophe imminente. Mais pas un mot, bien sûr, sur ces millions d’européens précipités soudain dans la misère depuis 2008. Aucun chiffre à l’appui de leurs rhétoriques, vieilles choses datées en guise de réflexion… Des généralités philosophisantes… C’est Mongin revenant une fois de plus sur ce que l’on nommait jadis crise de civilisation. La belle affaire : les Subprimes, à ses yeux, une crise de Confiance… On croit rêver… La Confiance majuscule, traitée à l’aune de la philosophie de la morale, quand les marchés n’ont jamais perdu confiance, eux, cette confiance qui était en fait l’épouvantail que les médias nous servaient et nous servent à longueur de journée à leur propos… Les Subprimes ? Une simple machine triviale pour capter d’immenses flux financiers et nous appauvrir. Jusqu’à l’usure indécente et totale de leur promesse de gain, convertie aussitôt en un nouveau piège plus efficace encore pour capter la manne publique à travers l’invention de la Dette Publique, l’outil financier le plus opérant jamais inventé par le Capital privé pour asseoir sa Domination. Dire que le mot de spéculation renvoie au problème philosophique de la confiance, c’est littéralement se payer de vains mots. Alors il reste quand même quelques interrogations de Castel à sauver de ce naufrage intellectuel, lui qui voit, soit dit en passant, les inégalités «perdurer» quand les chiffres montrent que ces inégalités ont atteint aujourd’hui des niveaux records, ceux du XVIIIème siècle… Seule vérité de son propos : qu’il n’y ait pas de classe porteuse d’un projet de société. Certes.
Crises ? éditions Parenthèses, coll. Septembre 2013, 16 euros, isbn : 9782863643402.