COMMENT PROUST REVINT A LA FRANCE…-le retour (4/6)
12 Janvier 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #LITTERATURE
Il faudra attendre l'après 1945 pour que la France, et pas seulement sa prétendue élité intellectuelle, se mette à s’intéresser à cet auteur que les anglo-saxons portent aux nues.
Proust fait donc retour, mais il nous revient par des chemins de traverse : Illiers, où dès 47, la Société des Amis de Marcel Proust rachète la fameuse maison pour en faire un musée.
C’est le Proust de Combray que l’on célèbre alors. Or cette célébration formule une opération particulièrement intéressante dans la construction de l’imaginaire des Lettres françaises : celui de l’asservissement de la fiction à une pseudo réalité : celle de l’œuvre romanesque !
C’est, après Balzac, la seconde fois que la mémoire française opère à une telle supercherie : l’œuvre de Proust va modéliser la réalité. A Illiers, on reconstruit plutôt qu’on ne restaure, une maison telle que Proust l’a décrite dans son œuvre, non telle qu’il l’a vécue… Du coup, La Recherche devient une sorte de fonds biographique dans lequel puiser.
De 1955 à 1960, Combray devient donc le passage obligé, non seulement de la reconnaissance de l’œuvre, mais de sa fortune, en particulier dans les manuels scolaires. Mais c’est aussi la période du grand tournant de la réception de l’œuvre en France, qui s’opère sous la pression de l’admiration anglo-saxonne et la découverte des Cahiers et autres manuscrits. On publie alors Jean Santeuil (son premier roman), et le Contre Sainte Beuve, qui mettent fin à la légende d’une vie d’abord consacrée aux mondanités avant de s’être tournée vers l’écriture. Car ce que l’on découvre en effet, c’est que Proust écrivait depuis toujours, qu’il n’avait jamais cessé d’écrire, de modifier, remanier, réécrire des milliers de pages d’une œuvre foisonnante. Un tâcheron ! Un gratteur infatigable, opiniâtre, si bien que sa réception, en prenant acte, se voit contrainte de le placer dans une série nouvelle, un lignage pour le coup plus habituel, sinon très français, renvoyant à un thème littéraire enfin exploitable par la critique nationale : celui du salut par l’écriture que modélise, entres autres, La Nausée de Sartre. En mixant cette nouvelle lecture française avec les lectures anglo-saxonnes, la France «découvre» finalement en lui un critique de la mondanité et en fait une sorte de Proust célinien, l’homme d’une nouvelle critique sociale. Du coup, toute l’œuvre se voit réévaluée, ainsi que tous les aspects de la personnalité de son auteur. L’homosexualité de Proust par exemple, est cette fois mise en orbite autour de celle de Genêt, pour devenir pour le coup acceptable désormais -mais il est rvaiq ue l'époque a bien changé.—joël jégouzo--.
Image : Le Martyre de saint Sébastien, de Andrea Mantegna, 1456-1459, que l’on peut admirer au Musée du Louvre.
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