COMMENT PROUST REVINT A LA FRANCE…-le métèque homosexuel(3/6)
11 Janvier 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #LITTERATURE
Dans les années 30, les choses ne s’arrangèrent pas, surtout après la publication de la fameuse enquête d’Alfred Tarbes, qui visait à identifier le sentiment national au sein de la jeunesse française, pour mieux en affirmer l’idéologie, forcément nationaliste.
L’enquête paraîtra dans sa version intégrale en 39…
Alfred Tarbes et Henri Massis, les auteurs de cette grande manipulation d’opinion, de celles que l’Etat français aime à fabriquer de loin en loin, livrèrent leurs conclusions dans les colonnes du journal L’Opinion, qui avait très innocemment commandité l’affaire.
Ils dessinèrent alors le portrait d’une génération nationaliste, religieuse, sportive, et bien sûr très à droite. L’enquête deviendra l’épicentre d’une vague nationaliste qui submergera la France. Evidemment, les réponses publiées ne reflétaient que très acessoirement les réponses collectées : n’étaient retenues en gros que celles qui exaltaient le nationalisme français. On fabriqua ainsi de toute pièce une mentalité générationnelle qu’on offrit clé en main à une génération de jeunes intellectuels qui n’eurent plus ensuite d’autre liberté que d’y adhérer…
Dans ce contexte, Proust apparut comme un écrivain dévoyé, sinon dangereux. Massis n’hésita du reste pas à tirer le meilleur parti possible de cette situation en publiant en 36 un ouvrage intitulé Le Drame de Proust -qui n’aurait été autre à ses yeux que son homosexualité. Proust était malade, l’homosexualité une maladie (on a vu récemment un dirigeant politique français penser de même), restait à plaindre l’homme et à en détourner la jeunesse française.
De 1930 à 1939, la pauvreté de la critique proustienne en France est alors non seulement pitoyable, mais fait peur… Fort heureusement, le reste du monde le découvre. Proust est alors l’objet d’une reconnaissance étrangère : anglais et allemands en tête, de Spitzer à Beckett.
C’est qu’il vient d’être traduit en Angleterre, où il devient, tout comme aux Etats-Unis, le sujet de séminaires universitaires. Se met dès lors en place le schème d’une écriture proustienne venant clore le XIXème siècle.
En France, les critiques ne parviennent pas à publier leurs réflexions sur Proust. Albert Feuillerat devra ainsi y renoncer pour publier son Proust aux Etats-Unis (1935), et jusqu’en 45, les rares thèses françaises sur Proust ne permettront pas aux quelques thésards aventureux qui les soutiennent de faire carrière.—joël jégouzo--.
image : 1934, parade nazie à Nuremberg...
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