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La Dimension du sens que nous sommes

CE QUI IMPORTE, C’EST DE SAVOIR CE QU’EST LA JUSTICE

27 Avril 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant

l-execution.jpgL’exécution. Paris. 3 heures du matin. Robert Badinter raconte que ce jour-là, il se rasa longuement. S’habilla avec respect. Paris. Rue de la Santé. La rue vide. Une petite porte sur le côté. La cour. La guillotine était là. Dressée. Immédiate. Avec ses hauts montants très minces. Très hauts, se souvient-il. Deux grands bras maigres desséchés. Un dais noir tendu dans la cour pour la masquer à la vue des prisonniers. Autour de lui, tout le personnel de l’exécution. Des hommes. Les avocats. Le Procureur qui avait requis la peine de mort, le Directeur de la prison et une silhouette sombre en chapeau : le bourreau, s’excusant : «Faut y aller. Il est temps».

Bontems, torse nu, attendait dans sa cellule. Courage. A phrases décousues, son avocat lui parle. Voix basse, de confidence. Il l’étreint avec une infinie tendresse. Le berce de ses paroles aimantes, comme pour interdire à l’horreur d’entrer là, comme pour fermer Bontems à la peur.

Bontems fait un brin de toilette. «Eh bien, allons-y». La Rotonde ensuite. Une dernière lettre à sa famille. Autour de Bontems, Badinter note la hâte d’en finir. L’immense silence jeté soudain sur ces hommes. Et le bourreau, chapeau sur la tête. Ses aides qui bientôt empoignent Bontems, l’emportent, le ligotent, le happent. Le claquement sec de la lame sur le butoir. La débandade soudain, les officiels s’enfuyant tandis qu’on asperge déjà la cour à grand jet d’eau.

Le récit est poignant, d’une force inouïe. Il faut entendre l’exécution lu par Charles Berling. Une diction au-delà du souffle. D’un tenant. Mesurée, roborative. Berling ne lisant plus mais témoignant de ce qu’est la Justice, le besoin de justice. Un long récit imposé par la fièvre. Robert Badinter devait ensuite passer sa vie à militer contre la peine de mort. Pour que le crime ne change pas de camp. Un récit confident, entaillé au plus intime de l’être. Sincère. Sidérant : comment avons-nous pu. Si longtemps. Le récit d’une tragédie. Un récit comme un homme n’en écrit jamais qu’un seul dans sa vie.joël jégouzo--.

 

 L’exécution, de Robert Badinter. Lu par Charles Berling. Présentation lue par l’auteur. 2 CD audio, durée 2 heures, Audiolib, 2009, isbn : 978-2-35641-202-7

 www.audiolib.fr

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