BERLIN EST TROP GRAND POUR BERLIN…
29 Juin 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais
C’est sur cette phrase énigmatique pour quiconque ne s’est pas laissé aller à flâner dans cette ville gigantesque, que Hanns Zisehler conclut son essai. Et pourtant, avec quelle pertinence résume-t-elle l’histoire –et la géographie- d’une ville dont les dimensions excèdent de parte en part la réalité. L’étrangeté urbanistique de Berlin, cette ville qui tourne le dos à son paysage fluvial et flotte sur une immense étendue d’eau que l’on ne perçoit guère que dans la forme allégorique de ses friches, voire, hier, de ces no man’s land qui trouaient partout l’espace urbain, ou aujourd’hui dans ses interminables avenues aussi démesurées qu’invraisemblables, à se jeter dans de plus incommensurables places encore, aux allures d’embouchures et qui n’en finit pas de surgir ça et là en cascades sous les immeubles les plus inattendus, tient aussi à ce que nulle part on en touche le moindre centre. Pour paraphraser Martin Luther évoquant le déferlement de la langue allemande au moment de la Réforme, je dirais volontiers que la chute du mur réveilla ce grand géant endormi, Berlin, ville sans limites étendant au loin une ombre gigantesque. Mais avec moins d’appréhension et de sévérité qu’Hanns Zischler : Berlin excède Berlin, certes, mais de refondations en destructions, la ville a conservé son caractère, résistant à la nostalgie de son histoire sans céder aux sirènes d’un avenir que de toute façon l’Europe n’a pas su lui offrir.
Pour finir, cet étrange opuscule a voulu lui-même décalquer le parti pris de son auteur pour nous offrir de Berlin le collage des singularités qui la forment. Comme si l’on avait déplié quelques unes des marques à travers lesquelles la ville s’offre, sans que jamais l’on puisse en faire le tour, ni recenser ces marques, ces traces, empreintes, cicatrices, stigmates… On aurait pu faire autre chose, à l’infini, mais dans son principe même, celui qui nous est présenté affirme comme une adhérence : le parti pris de l’ouvrage est trop grand pour cet ouvrage… on reste sur une attente, une frustration : Berlin excède ce que l’on en dit, toujours, et quiconque s’est pris à déambuler dans ses rues le sait. --joël jégouzo--.
Berlin est trop grand pour Berlin, de Hanns Zischler, éd. Mille et une nuits, mai 1999, Collection : La Petite Collection, ISBN-13: 978-2842054014, épuisé.
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