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La Dimension du sens que nous sommes

Au commencement étaient les céréales. A la fin, les OGM.

12 Avril 2013 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

 

céréalesHistoire universelle des céréales, de leur apparition à leur mutagenèse… L’Histoire est monumentale. Tout, tout, tout sur tout. 640 pages de jubilation savante d’une histoire qui débute juste après l’ère des dinosaures. Les continents actuels sont en place, l’Himalaya vient de sortir, tout comme les Alpes, les Rocheuses, les Andes. De vastes savanes offrent leurs espaces fertiles : dès qu’il pleut, la végétation lève en force. Les mangeurs d’herbe conquièrent le monde, mais boudent les céréales : elles contiennent de la silice, il faut une sérieuse dentition pour s’y attaquer. Bientôt l’émail recouvrira les dents. Des centaines de variétés prolifèrent alors, avec l’énergie solaire pour unique carburant. Déjà l’auteur nous conte cette incroyable saga de la puissance végétative des céréales et du fonctionnement ahurissant d’une telle plante. La grande fable de la domestication des céréales va débuter. L’auteur nous entraîne avec passion, une fougue toute désinvolte, un plaisir gourmand, dans cette histoire magique du passage de l’arc à la charrue. En bouleversant son régime alimentaire, l’homme va reconstruire non seulement le monde, mais sa propre nature. Mais lentement. Car pendant des milliers d’années, il vit toujours de la cueillette au petit bonheur. La transition vers l’agriculture est lente, longue, aléatoire. Jean-Paul Collaert fascine par son érudition, sa drôlerie, son naturel. Le ton est volontiers amusé. Même lorsqu’il discute les théories en concurrence, de l’invention de l’agriculture, les exposant toutes en nous donnant à comprendre, à choisir. Ce n’est pas une révolution soudaine. La plante sert d’appoint tout d‘abord et de compromis en compromis, les cueilleurs deviennent semeurs. Théorie de l’oasis, théorie de l’emballement démographique, la première agriculture était opportuniste… On, ne sait pas trop comment l’économie agricole est apparue en fin de compte. Mais on sent bien une préférence pour la théorie de Jacques Cauvin : le changement serait venu d’un changement de représentation, non des techniques, qui furent inventées après. D’un changement de perception des capacités de l’homme. Admirable description, hymnique, qui nous donne à observer autrement qu’on ne l’a fait les peintures des cavernes : voyez, l’homme s’y représente parmi les animaux, au même niveau. Et voici que lorsque surgit l’agriculture, même balbutiante, naissent partout des représentations de déesse-mère, de taureau-fils… "Pour la première fois un groupe humain se projette dans l’avenir, gratte la terre, construit des digues, des enclos, des sanctuaires"… La volonté de changer le monde s’accompagne soudain de la volonté de se changer soi-même en changeant son mode de vie. Les éleveurs-semeurs, pour la première fois, poussent un bétail domestique dans des champs cultivés sous les yeux effarés des chasseurs-cueilleurs, qui les voient revêtus d’une puissance mystérieuse. Une nouvelle religion accompagne ce pouvoir. Partout à la surface de la terre des groupes humains vont défricher la terre. Entre Damas et Jéricho, on a découvert les plus anciennes traces d’une vraie économie agricole, vers –9500 à –8700. Leur vitesse de progression est lente, calculée par les anthropologues : les semeurs gagnent chaque année 1 km de terres cultivables. Ils avancent. Vers nous, qui seront les derniers à mettre en culture nos terres. L’histoire est neuve, prometteuse. D’autant que la plante est malléable. L’homme se met à croiser les variétés, opérant à ses premières manipulations génétiques sur la nature, qui fait le reste, emportant telle souche au vent pour la diffuser, la croiser encore, disséminant de nouveaux gènes qui vont transformer la vie.

tomates.jpgEst-ce à dire que les OGM ne sont finalement qu’une conséquence logique de cette histoire ? Il faut lire le chapitre qui leur est consacré. Bouleversant. Inquiétant. Leur processus de fabrication minutieusement décrit, en termes accessibles par tous. Il faut comprendre comment les choses se passent réellement dans les laboratoires, ces bombardements aléatoires de gènes par exemple, auxquels opèrent le génie génétique sans jamais être certain que la protéine fabriquée dans une cellule transgénique soit identique à celle d’origine. "En Australie, rapporte l’auteur, des chercheurs avaient mis au point un petit pois résistant aux insectes en allant chercher les gènes dans le haricot. Ils ont dû tout arrêter, parce que les cobayes ont développé des maladies des poumons". Et ces pages sur la disparition des papillons Monarques !

80% des champs de maïs américains sont transgéniques. Aucunes études sérieuses sur les risques de transfert dans la flore microbienne du sol n’ont été effectuées à ce jour. Voilà qui rappelle les procédés de l’industrie pharmaceutique chère à un Cahuzac… En revanche, on a découvert une quinzaine de variétés de plantes désormais résistantes aux désherbants totaux. De quoi inquiéter, oui, vraiment. D’autant que la bataille est déjà ailleurs : les industriels lâchent les OGM, trop coûteux et trop suspects aux yeux des consommateurs. Ils expérimentent aujourd’hui de nouveaux moyens de faire muter les gènes, quasi indétectables. Voilà qui rappelle les procédés du dopage dans le sport… Ils travaillent sur la mutagenèse. Lisez ces pages effarantes. Tout y est décrit avec précision et clarté de ces mutations transitoires que les industriels disséminent déjà dans la nature sans savoir ce qu’elles pourront devenir, et qui ne sont soumises à aucune déclaration. La méthode est simple : on fait des cultures de bactéries génétiquement modifiées, qu’on pulvérise ensuite sur les feuilles des plantes préalablement scarifiées. La nature fait le reste, discrètement, permettant d’échapper ainsi à la classification OGM. Mais jamais aucune de ces plantes mutées ne sont évaluées... A quoi bon ? Seule notre santé à tous est en jeu…

  

 

Céréales la plus grande saga que le monde ait vécue, Jean-Paul Collaert, éditions Rue de l'échiquier, mars 2013, 640 pages, 25 euros, ISBN-13: 978-2917770450.

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B
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