ANDRE GIDE : DE L’INFLUENCE EN LITTERATURE…
23 Novembre 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #LITTERATURE
De l’imitation des maîtres en fait, non du plagiat -par exemple.
Dans cette petite conférence prononcée à Bruxelles le 29 mars 1900, Gide traita surtout de l’art d’être influencé, d’accepter, de nourrir l’imitation des grands maîtres que l’on se choisit. Lui, c’est Goethe.
Le topos est ordinaire tout d’abord : on vient de quelque part. Soit. A subir aussi de bien ténébreuses influences. Re soit. Inutile de convoquer l'une de ces fadaises dont Nietzsche avait le secret pour s’en convaincre, comme lorsqu’il affirmait que les boissons avaient une influence sur l’esprit national, la bière pour les allemands balourds, le vin pour les subtils français... Ni Michelet certifiant qu’il y a du blé et du silex dans l’âme des français… Du blé, moi qui suis asthmatique… Du silex !, grand Dieu…
Pour Gide donc, évacuées les influences occultes, les meilleure d’entre elles restent celles d’élection. Goethe et Rome, où il se sentit naître enfin à lui-même. Une sorte de révélation intérieure, pas moins ésotérique que l’histoire du silex de Michelet…
Toutefois l’intérêt de la conférence de Gide ne réside pas là, mais dans ses réflexions sur les impasses de la subjectivité moderne, qui commande que chacun ait sa personnalité, entretenue à grand frais. Une personnalité qui ressortit au devoir d’originalité, composée avec l’air du temps souvent de manière saugrenue, puisque l’accent doit être mis sur l’artifice d’être soi. On voit ce que cela donne dans les Lettres contemporaines, d’Amélie Nothomb à Houellebecq. L’art contemporain, si violemment centré sur soi comme monde, nous offre ainsi beaucoup d’éloquence, et bien peu d’invention. Car à la longue, les écarts s’amenuisent entre les différences qui sont ici et là glorifiées. Des écarts de foison, plutôt que de style, l’originalité confinant à la bizarrerie, quand le "Grand homme", lui, ne cherche rien moins qu’à demeurer banal.
Reste une dernière idée dans cette conférence, intéressante : un seul homme, fût-il génial, ne suffit pas à débusquer toute la richesse d’une pensée forte. Dès lors, dès que la pensée est levée, la suivre jusqu’au bout commande que des centaines d’autres, à sa suite, en prennent le relais. Voyez le cogito de Descartes, dont aujourd’hui encore le périmètre ne cesse de s’accroître et nous surprendre.
Quant au pastiche, il est pour Gide l’œuvre des gens sans œuvres, qui ont refusé toute influence et restent en surface de leur ouvrage. Il est l’agitation de ceux qui ne cherchent que le reflet du métier, son esbroufe, et qui ne nourrissent à vrai dire, pour les raisons d’être de la littérature, qu’une incompréhension totale. Ainsi de nombre d’éditeurs, qui ne publient au fond que ce qui déjà existe. –joël jégouzo--.
De l’influence en littérature, André Gide, éd. Allia, sept. 2010, 50 p., 3 euros, isbn : 978-2-844-853585
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