A quelques encablures du BAC : l’inégalité scolaire toujours aussi criante en France.
17 Mai 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique
On savait que l’accès des lycéens aux différentes filières du supérieur était lesté par leur appartenance sociale. Les enfants de cadres par exemple, qui ne représentent que 15% des enfants entrant en sixième, constituent plus de 55% des inscrits en classes prépas, tandis que les enfants d’ouvriers (38% des collégiens), ne représentent que 9% des entrants en prépas.
La construction du parcours scolaire, bien évidemment, obéit à des choix complexes, faisant intervenir des variables individuelles et d’autres, dont les effets sont cumulatifs : la réussite scolaire, l’orientation, etc. L’étude de Nadia Nakhili, du Laboratoire des Sciences de l’Education de l’Université de Grenoble, introduit une variable peu explorée jusque là : celle de l’environnement dans lequel les élèves effectuent leur scolarité. Or il apparaît de cette étude que ce contexte de scolarisation a un effet aussi important que celui de l’origine sociale, qu’il renforce en outre spectaculairement. L’effet établissement révèle ainsi qu’à niveau scolaire égal, les élèves des lycées favorisés ont près de 80% de chances de plus de s’orienter vers une classe prépa, lorsque cet établissement en héberge une. Poncif ? Voire : c’est un véritable bain sémantique qui se met en place dans ces établissements, négligé dans les études sur la ségrégation scolaire en France. Effet d’émulation, effet de pairs, voire effet sur la pratique même des enseignants, liée au public auquel ils s’adressent. Et il ressort de cette étude que l’effet établissement, qui joue évidemment à l’inverse, dans les lycées "défavorisés" par exemple, bride massivement les élèves de ces établissements. De sorte que pour réduire les inégalités d’orientation, les Pouvoirs Publics devraient peser sur la composition sociale des établissements et le rééquilibrage des offres de formation supérieure dans tous les territoires. Mais bien évidemment, la privatisation rampante de la carte scolaire, sous l’influence même d’une urbanisation ségrégationniste, n’incline pas l’Etat à prendre de pareilles mesures.
L’étude, convaincante, mériterait d’être poursuivie sur ce front inédit, pour mettre à jour par exemple quelque chose comme la nature et la valeur du "bain sémantique" que propose chaque établissement. Loin de l’inscrire dans le cadre d’une simple étude sur la reproduction sociale, elle permettrait de mettre à jour les stratégies déployées par les établissements pour conquérir de nouveaux publics ou sélectionner avec plus de rigueur les leurs. Elle permettrait en outre de dévoiler les leurres introduit par les classements des lycées, et l’hypocrisie du discours ambiant sur la réussite scolaire.—joël jégouzo--.
Orientation après le bac : quand le lycée fait la différence, n°271, février 2010, Céreq issn : 0758-1858.
Centre d’études et de recherches sur les Qualifications, 10 bplace de la Joliette, BP 21321, Marseille cedex 02
L'orientation scolaire et professionnelle dans un monde incertain (n.109 Janvier-Mars 2010), Céreq, Réf. : 3303338301090, 160 pages, 23 euros, ISSN : 0759-6340.
Culture écrite et inégalites scolaires ; sociologie de l'échec scolaire à l'école primaire, Bernard Lahire, PU de Lyon, 312 pages, 18,50 euros, EAN : 9782729706661.
Projet de Loi de finances pour 2009 : Enseignement scolaire – rapport du Sénat
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