Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Dimension du sens que nous sommes

A MORT LES PAUVRES, A MORT LES SANS-PAPIERS…

6 Novembre 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

le pauvreL'examen du projet de loi de finances de la Sécurité sociale a permis au gouvernement, la semaine dernière, de s'attaquer à l'accès des étrangers à la couverture maladie universelle (CMU). Le 2 novembre, le député UMP marseillais Dominique Tian et ses collègues du collectif Droite populaire, ont déposé une série d'amendements visant à restreindre le dispositif de l'Aide médicale d'État (AME). Plus de 200 000 personnes seraient concernées, pour un coût à peine supérieur à celui de 2 airbus présidentiels…

Au delà du spectre des maladies infectieuses contractées et véhiculées par ces travailleurs du bout du monde, contaminant nombre de mises ne garde de nos chers députés et qui ne sont pas sans rappeler les assignations biologiques les plus odieuses des discours européens sur le thème de l’étranger, il est admirable de voir à quel point les thèmes racistes, aujourd’hui, rejoignent les figures politique de la lutte non contre la pauvreté, mais contre les pauvres…

Relire Simmel en associant la figure du pauvre à celle du sans-papier (qui est au fond un étranger pauvre), dans cette perspective, apparaît plutôt instructif. Simmel se posait en particulier la question de savoir ce que faisait apparaître l’aide aux pauvres, en tant qu’institution publique. Et non sans pertinence, il montrait que l’aide fournit aux pauvres, sous couvert d’assistance, n’avait de raison d’être que de subvenir à leurs seuls besoins vitaux, se présentant in fine comme des mesures techniques de maintien des pauvres dans l’exclusion.

"L’assistance publique occupe, dans la téléologie juridique, la même place que la protection des animaux", observait-il. Personne, par exemple, n’est puni pour avoir torturé un animal, mais pour l’avoir fait ouvertement. Idem des pauvres ou des sans-papiers : personne n’est punissable, car personne ne les malmène ouvertement.

Par ailleurs, Simmel observait l’absence de droit des pauvres à être aidés : le pauvre, tout comme le sans-papier, n’a aucune légitimité à porter plainte. Il n’existe pas de droit opposable du pauvre en cas de défaillance de l’assistance, tout comme il n’existe pas de droit opposable du sans-papier plongé pourtant dans une situation de précarité telle, qu’elle menace sa vie. Cette élimination du pauvre, tout comme du sans-papier, de la chaîne juridique est ainsi ce qui peut se concevoir de pire du point de vue des Droits de l’Homme. Si bien que le pauvre, en tant que pauvre, peut bien certes appartenir à la réalité historique de la société, tout comme le sans-papier, juridiquement, ils sont l’un et l’autre "sans âme". L’un et l’autre sont placés (de force) en dehors des espaces auxquels, pourtant, ils appartiennent : ceux du milieu historique réel. Cette négation les enferme de fait dans une totale négativité de leur être, les renvoyant l’un et l’autre à la typologie du lien social conflictuel. Le devoir d’assistance, ainsi que le député Dominique Tian le conçoit, ne sera plus un devoir de secours mais de stigmatisation du pauvre, comme du sans-papier, dans le seul but d’en contrôler les déplacements avant de les nier purement et simplement pour l’enfermer là où sa vie prend son seul sens possible : son élimination.joël  jégouzo--.

 

Georg Simmel, le Pauvre, éd. Allia, traduit de l’allemand et présenté par Laure Cohen-Maurel, janvier 2009, 92 pages, 6,10 euros, EAN : 978-2-84485-300-4

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
<br /> Là je suis totalement d'accord avec vous. Mais il n'y a pas que la France qui soit très impliquée en Afrique, en fait il faudrait aussi que d'autres pays soient persuadés du bien-fondé d'une<br /> maturité politique africaine (je pense aux Etats-Unis en particulier). Pas facile à réaliser avec un continent qui regorge de ressources minières ..<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> certes, il n'y a pas que la France qui... Aujourd'hui les Etats-Unis, et la Chine, surtout, sont devenus les grands prédateurs de l'Afrique. Mais cela nous conselerait-il d'avoir à avouer que<br /> nous ne sommes pas les seuls qui... Cela nous disculperait-il ? Mais surtout : à quoi ressemble une Nation qui ne sait assumer ses actes devant l'Histoire ? Et faudrait-il attendre que les<br /> autres se sentent enfin impliqués ? Le pillage de l'Afrique est une vieille histoire, qui rapporte des milliards d'euros, aujourd'hui encore, sur lesquels, prélever quelques centaines de millions<br /> passerait totalement absolument inaperçu. Du reste, ces centaines là sont prélevés tous les jours, mais ils partent dans de bien malodorantes poches (privées)...<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> merci beaucoup de votre analyse. Je suis très intéressée par une solution qui ne passe pas par un financement supplémentaire .. vous pensez à une politique préventive ? Mais quid des immigrants<br /> nouvellement arrivés ? Je ne souhaite surtout pas l'éradication des pauvres (ce n'est pas du tout dans ma mentalité), mais il faut bien réaliser que les plus faibles sont très (trop) souvent<br /> éliminés un jour ou l'autre (et quel que soit l'option économique choisie).<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Tous les pays européens connaissent une vraie pression migratoire - j'allais écrire "subissent", oui, on peut le dire : les conséquences de leur propre héritage "africain" en particulier. Nous<br /> avons tenté de verrouiller les accès à l'UE, mais à moyen terme, ce n'est pas même tenable. La France se distingue des autres pays dans cette politique à l'égard des flux migratoire, il n'est que<br /> de visionner les cartes où sont établis des camps de rétention en Europe : à l'étranger, massivement, des camps d'immigrés en voie de régulation, en France, la plupart des camps concernent les<br /> expulsions. (ps : le ridicule de la situation : on expulse, puisqu'il faut faire du chiffre, et ça revient aussitôt). Pas le temps de développer ici, mais pour vos deux questions : la prévention<br /> et la gestion des flux migratoires. Pour la prévention, mieux vaut laisser les services médicaux et sociaux spécialisés s'en occuper (ONG, etc.). Le coût ne représente finalement que ce que les<br /> énarques des Finances appellent des "dépenses de bouche". Mieux vaut soigner quand les maladies sont encore relativement légères plutôt que d'attendre qu'elles deviennent "lourdes", mieux vaut<br /> les centres de soin que les hôpitaux, dont les coûts sont de beaucoup supérieurs. Pour les flux, la question est plus vaste. C'est l'un des enjeux du XXIème siècle. La pression migratoire n'est<br /> pas la même pour tous tout d'abord ; rappelez-vous que le premier continent à en subir de plein fouet les conséquences, c'est l'Afrique. Et n'allez pas mettre ça sur le compte un peu facile de<br /> régimes corrompus : le mot d'ordre, dans la Françafrique promue par les autorités françaises et à l'adresse de ses élites politiques, était clair : "enrichissez-vous, pillez les ressources de vos<br /> pays, nous ferons le reste". Changeons de politique africaine déjà, une promesse de notre Président, non tenue. L'Afrique est le continent sacrifié du XXIème siècle. Il y a beaucoup à faire... Se<br /> contenter d'éteindre les incendies que nous avons allumé ne suffira pas. Ce n'est qu'une direction, il y en a d'autres.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> je suis totalement d'accord sur le principe de solidarité, mais il faut aussi penser au financement des dispositifs sociaux, les "actifs" sont-ils d'accord pour augmenter considérablement les<br /> prélèvements sur leur salaire ? cela semble assez déraisonnable vu le contexte actuel.<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> C'est raisonner à l'étroit, pardonnez... Le financement des dispositifs sociaux n'est pas nécessairement à inscrire dans cette équation, tout comme le financement du bouclier fiscal (par<br /> parenthèse, nous sommes le seul pays au monde à redistribuer de l'argent aux plus riches -et, nouvelle parenthèse, ce dispositif permet non pas de "restituer" de l'argent à certains parmi les<br /> plus riches, mais de leur "donner" l'argent qu'ils n'avaient pas gagné). Techniquement, il existe d'autres modes de financements, et je ne songe pas ici à prendre dans la poche des entreprises<br /> par exemple. On voudrait nous faire croire que les équilibres budgétaires s'organisent sur ces modèles un peu simplistes : la poche des uns, celle des autres... Une autre fois, je me promets d'en<br /> esquisser dans un article les illusions, commodes, comme celle de nous faire penser la réalité économique dans les termes du capitalisme fordien, pour faire vite, quand notre réalité est en fait<br /> autre... Enfin, à supprimer ce dispositif et soigner désormais les sans-papiers dans le cadre de l'urgence hospitalière, les médecins l'ont bien compris, nous nous exposons à des dépenses<br /> beaucoup plus lourdes, les pathologies, en fin de "chaîne", pesant plus lourd dans cette fameuse balance commerciale. A moins, c'est en effet un choix de société, de réaliser au fond ce que la<br /> Révolution Industrielle avait pratiqué avec succès (cf les Speenhamland Acts) : l'éradication des pauvres à (très) grande échelle (entendons-nous : on ne les a pas exterminés, ils sont morts, de<br /> faim, de froid, de maladie).<br /> <br /> <br /> <br />