RENTREE LITTERAIRE : BW, L’autofiction décadrée…
Toujours sur le départ, BW. Vertical, faisant face au grand horizon mutique dressé devant lui.
Fuir, là-bas fuir. (« … Je sens que des oiseaux sont ivres d’être parmi l’écume inconnue et les cieux » - Mallarmé).
BW Jeté dans sa jeunesse, aux confins du monde, dans la passion du livre. Editant comme on part, et quel éditeur : Verticales. Ce qui s’expérimentait de mieux dans la littérature française contemporaine. Désertant sa passion depuis, fuyant de nouveau, cette fois son monde, celui des Lettres, trop affairé à cultiver sa médiocrité et la bassesse d’une gestion purement comptable du livre.
C’est beaucoup de cette histoire dont il est question ici, qui s’évide comme une dictée recomposée, Lidie Salvayre, sa compagne, aux commandes d’un texte dont le statut devrait tout aussi bien l’inquiéter, BW, dans cette réflexion qu’il se fait sur la littérature et ce qu’elle devient, ses nouveaux objets saugrenus l’emportant loin d’elle-même et ne faisant qu’obscurcir abusivement sa matière, comme le fait précisément le texte même de Lidie Salvayre, ce BW si « émouvant » quand il s’organise autour d’anecdotes, ce BW campant sur la parole de l’autre -comme bien des romans de cette rentrée-, narrant une époque perdue, quand le monde était assez ouvert pour y pousser jusque dans l’écriture l’expérience paradoxale d’y vivre.
Katmandou, Peshawar. Mais aujourd’hui le désastre d’un monde sans livres et celui d’une littérature acculée à la médiocrité par ses acteurs mêmes. BW règle au passage quelques comptes nécessairement mesquins. Et curieusement, évoque au gré de son propre personnage ce qui dans un texte le retient, pour en référer la nécessité, sans le dire, à ce que déjà, avant lui, Virginia Woolf avait exprimé dans nombre de ses conférences. Ici, l’expérience du froid qui transit, le halètement rimbaldien surgit dans la soudaineté de l’expression.
Un deuil littéraire au fond, triste, triste, malgré sa drôlerie, dans ce rapport confus du livre à la vie, ou l’inverse plutôt, la vie l’emportant aujourd’hui plus confusément encore que la victoire du texte sur elle, naguère.
Rien d’étonnant alors, que dans cet accablement qui pointe, BW paresse intellectuellement dans sa condamnation commode de l’image, orchestrée depuis une rhétorique convenue.
Tout de même : l’on y entend le petit fracas d’une implosion qui nous affecte tous, dans sa difficulté à prendre acte de ce que le livre, peut-être, ne soit plus la structure adéquate pour dire nos possibilités de vivre, ni leur lieu. Mais à l’heure où la cécité le frappe, au moment où, selon lui, la littérature s’aveugle, il ne donne peut-être rien d’autre à entendre que le cri mallarméen : ce n’était donc que cela, la création : un pur jeu formel ? Et s’en garde comme il peut…
Lui qui est venu au livre pour advenir à son humanité, enfermé aujourd’hui dans le plaisir de l’esthète pour cette chose rare qu’est désormais un texte, reste étrangement fidèle à des expériences qui n’appartiennent pas au textuel : l’Himalaya, avoir touché le ciel, dans ce réel des cimes opposé à la fade réalité du quotidien - l’esse mallarméen de l’écume inconnue et des cieux … Tout un romantisme (allemand) en fin de compte, intrigant le grand bluff d’une langue qui prétendrait dire l’indicible.
Mais si la littérature est aujourd’hui incapable de saisir le monde, peut-être est-ce parce que ce n’est pas son projet ?--joël jégouzo--.
BW, Lidie Salvayre, Seuil, coll. Fictions & Cie, août 2009, 208p., ean : 978-2-02-099711-9, 17 euros.
Fuir, là-bas fuir. (« … Je sens que des oiseaux sont ivres d’être parmi l’écume inconnue et les cieux » - Mallarmé).
BW Jeté dans sa jeunesse, aux confins du monde, dans la passion du livre. Editant comme on part, et quel éditeur : Verticales. Ce qui s’expérimentait de mieux dans la littérature française contemporaine. Désertant sa passion depuis, fuyant de nouveau, cette fois son monde, celui des Lettres, trop affairé à cultiver sa médiocrité et la bassesse d’une gestion purement comptable du livre.
C’est beaucoup de cette histoire dont il est question ici, qui s’évide comme une dictée recomposée, Lidie Salvayre, sa compagne, aux commandes d’un texte dont le statut devrait tout aussi bien l’inquiéter, BW, dans cette réflexion qu’il se fait sur la littérature et ce qu’elle devient, ses nouveaux objets saugrenus l’emportant loin d’elle-même et ne faisant qu’obscurcir abusivement sa matière, comme le fait précisément le texte même de Lidie Salvayre, ce BW si « émouvant » quand il s’organise autour d’anecdotes, ce BW campant sur la parole de l’autre -comme bien des romans de cette rentrée-, narrant une époque perdue, quand le monde était assez ouvert pour y pousser jusque dans l’écriture l’expérience paradoxale d’y vivre.
Katmandou, Peshawar. Mais aujourd’hui le désastre d’un monde sans livres et celui d’une littérature acculée à la médiocrité par ses acteurs mêmes. BW règle au passage quelques comptes nécessairement mesquins. Et curieusement, évoque au gré de son propre personnage ce qui dans un texte le retient, pour en référer la nécessité, sans le dire, à ce que déjà, avant lui, Virginia Woolf avait exprimé dans nombre de ses conférences. Ici, l’expérience du froid qui transit, le halètement rimbaldien surgit dans la soudaineté de l’expression.
Un deuil littéraire au fond, triste, triste, malgré sa drôlerie, dans ce rapport confus du livre à la vie, ou l’inverse plutôt, la vie l’emportant aujourd’hui plus confusément encore que la victoire du texte sur elle, naguère.
Rien d’étonnant alors, que dans cet accablement qui pointe, BW paresse intellectuellement dans sa condamnation commode de l’image, orchestrée depuis une rhétorique convenue.
Tout de même : l’on y entend le petit fracas d’une implosion qui nous affecte tous, dans sa difficulté à prendre acte de ce que le livre, peut-être, ne soit plus la structure adéquate pour dire nos possibilités de vivre, ni leur lieu. Mais à l’heure où la cécité le frappe, au moment où, selon lui, la littérature s’aveugle, il ne donne peut-être rien d’autre à entendre que le cri mallarméen : ce n’était donc que cela, la création : un pur jeu formel ? Et s’en garde comme il peut…
Lui qui est venu au livre pour advenir à son humanité, enfermé aujourd’hui dans le plaisir de l’esthète pour cette chose rare qu’est désormais un texte, reste étrangement fidèle à des expériences qui n’appartiennent pas au textuel : l’Himalaya, avoir touché le ciel, dans ce réel des cimes opposé à la fade réalité du quotidien - l’esse mallarméen de l’écume inconnue et des cieux … Tout un romantisme (allemand) en fin de compte, intrigant le grand bluff d’une langue qui prétendrait dire l’indicible.
Mais si la littérature est aujourd’hui incapable de saisir le monde, peut-être est-ce parce que ce n’est pas son projet ?--joël jégouzo--.
BW, Lidie Salvayre, Seuil, coll. Fictions & Cie, août 2009, 208p., ean : 978-2-02-099711-9, 17 euros.
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